dimanche 7 décembre 2014

Septième niveau

Mais qu'est-ce que j'en avais marre de ces montées interminables ! Les bureaux du Big Boss étaient donc sans limites ? Tout à coup je me demandai comment j'allais m'y prendre avec Métatron, je n'avais préparé aucun discours, j'étais partie les mains dans les poches comme une touriste ! Je fermai les yeux quelques secondes pour tenter de me concentrer sur la tactique à adopter.
Ding ! Lorsque j'ouvris les paupières, je me retrouvai nez à nez avec Van Helsing. Oh non ! Le cerbère de service ! Manquait plus que celui là !
Ce type, avec ses cheveux et ses yeux gris, me donnait systématiquement froid dans le dos.
- Miss Chester ! Quel plaisir de vous revoir ... Je ne vous attendais pas si tôt ici, dit-il sur un ton mielleux.
- Moi non plus ! répliquai-je sèchement.
- Vous en avez eu marre de vos deux zigotos ?! Remarquez depuis le nombre d'années qu'ils s'accrochent à vos basques, je ne suis pas étonné que vous ayez eu besoin d'air. Avec eux, c'est toujours la même rengaine j'imagine ?!
- Je crois bien qu'il me manque un sacré pan de mémoire pour pouvoir vous répondre. Vous comptez me faire poireauter dans l'ascenseur pour le reste de l'éternité ou vous allez me laisser passer ? lançai-je sarcastique.
Il s'écarta du passage et je me retrouvai face au même genre de couloir qu'au cinquième niveau.
- Je ne suis pas votre ennemi Miss Chester, vous vous méprenez sur mes intentions.
- Attendez deux secondes que je me rappelle ce que j'ai lu dans mon journal. Ce n'est pas vous qui avez essayé de me violer en 1679 et qui m'avez fait plonger dans les flammes en 1680 ?! Espèce de barjot sadique !
- C'est de l'histoire ancienne tout cela, vous avez la rancune tenace Miss Chester.
- Désolée mais pour moi, ce sont des nouvelles tout ce qu'il y a de plus fraîches et je suis loin de vous avoir à la bonne. Maintenant, dîtes-moi où est M ?
- Il m'a chargé de votre accueil, il sait que vous êtes là.
Bah voyons, c'est "radio chiottes" ici, on sait tout ce qui se passe à la vitesse de l'éclair !
- Forcément dans cet endroit, il n'y a que moi qui ne sache rien et qu'on prend pour la débile de service. Est-ce que j'ai l'air d'une blonde écervelée ?! grognai-je.
Van Helsing parut décontenancé.
- Loin de là Miss Chester, vous êtes une charmante brune intelligente. Hum ...
 Veuillez me suivre je vous prie.
Je t'en ficherais moi de la charmante brune, espèce de psychopathe au costard Armani taillé sur mesure !
Je lui emboîtai le pas et je parvins encore devant une lourde double porte.
La plaque dorée indiquait M . Et bien au moins, il n'y avait pas à se tromper, j'étais au pied du mur.
Un battant s'ouvrit tout seul.
- Après vous Miss Chester, dit Van Helsing.
J'allais me retourner pour lui signifier qu'il pouvait se prendre sa galanterie à deux balles et se la mettre là où je pense, mais il avait déjà disparu. J'étais déçue mais il ne perdait rien pour attendre cet affreux. Je m'attendais à nouveau à une salle de réunion glauque. Au lieu de cela, je débouchai sur une espèce de réplique du bureau ovale de Washington avec des tapis moelleux au sol, des fauteuils plus qu'accueillants, une théière fumante et des biscuits déposés sur une table basse. Il n'y avait pas de mur, tout était vitré avec vue directe sur les nuages et le ciel bleu.
M était de dos, il regardait le paysage au dehors, les bras croisés dans le dos tel Napoléon, il avait plutôt la carrure d'un général en pleine réflexion qui se tâtait ou non à engager une bataille. Le soleil donnait dans la pièce, M. n'était qu'une ombre dans la lumière. Il ne se dégageait aucune tension palpable, je ressentais dans ce lieu un calme presque familier. Combien de temps avais-je passé ici auparavant ? Mystère ...
Je fis quelques pas pour me rapprocher du bureau qui nous séparait, j'hésitais à briser le silence. Mon coeur battait plus vite que de raison. Gestion du stress Nora, bon sang, gestion du stress !
- Bienvenue à la maison Nora, dit-il d'une voix douce.
Hein ?! Quoi ?! Il ne me vole pas dans les plumes ? Pas d'éclair ? Pas de tonnerre ? Mais c'est qui ce mou du genou ? Il va me le jouer gentil en plus ??? J'ai dû me tromper d'étage c'est pas possible !!!!
- Euh ... merci, marmonnai-je.
- J'attendais ce moment depuis longtemps, je suis heureux que tu sois rentrée de toi-même.
- Visiblement, vous êtes bien le seul à être content de ma venue, répliquai-je.
M n'avait pas bougé, il était toujours à contre-jour à regarder le soleil par la fenêtre. Pour ma part, toute cette lumière m'agressait, j'allais bientôt me retrouver avec les yeux larmoyants à force de fixer son dos dans la lumière. Je ne distinguais même pas la couleur de ses cheveux. Je mis ma main en visière pour me faire un peu d'ombre mais ça ne changeait pas grand chose.
M. émit un rire léger.
- Pourquoi serais-je mécontent de ton retour ? continua- t-il sur le même ton agréable.
- Soit j'ai été mal informée, soit j'ai loupé un épisode mais c'est vous qui avez décidé de ma fin en 1680 et c'est aussi vous qui m'avez renvoyée sur Terre pendant les 30 dernières années parce-qu'il parait que je mettais le bazar ici ?
- Nora, j'admire ta technique de psy, tu prêches le faux pour savoir le vrai.
- C'était aussi une technique efficace pendant l'Inquisition, vous ne croyez pas ?! lançai-je ironique.
- Au moins, tu n'as pas perdu ton sens de l'humour pendant toutes ces années.
Je me frottai les yeux, cette lumière m'aveuglait tellement que j'avais envie de les fermer et d'opérer en aveugle. Comment faisait-il pour la supporter ? Ca devait être un truc d'archange !
- Vas t'asseoir sur le divan Nora, tu seras plus à ton aise, la trop forte clarté n'a jamais réussi à tes jolis yeux.
Mais enfin pourquoi était-il aussi sympa avec moi ? Il avait des remords ou quoi ?!
J'obtempérai et allai m'asseoir. M. claqua des doigts et les vitres se teintèrent, voilà qui convenait beaucoup mieux à ma rétine. Il se retourna enfin et vint à ma rencontre d'une démarche féline. Il portait un costume gris anthracite, chemise blanche, cravate noire, très chic, plus le style d'un homme d'affaires que d'un archange supérieur. Ses cheveux blonds vénitiens coupés courts tranchaient avec la couleur de sa veste.
Au moins, tous les anges n'avaient pas les cheveux aussi longs que Sam, un bon point pour lui, sa tignasse ne m'agacerait pas pendant tout notre entretien !
M s'assit près de moi sur le divan. Il se pencha vers la table basse et retourna les deux tasses, et tout en s'emparant de la théière, il continua la conversation.
- Un thé léger, un seul sucre, c'est bien ça ? s'enquit-il.
- Bien ... euh ... oui, bredouillai-je. Il savait aussi comment je prenais mon thé ??
M étouffa un rire léger face à ma surprise. Il se tourna vers moi pour me tendre la tasse et je croisai enfin son regard de plus près. Il avait les yeux jaunes dorés pailletés de vert. Ces yeux là ne m'étaient pas inconnus, je les avais déjà observés ailleurs mais où ? Nom de Zeus, où avais-je déjà croisés ces yeux là ? Ils m'étaient familiers, sûre et certaine ! Rhooo Nora, fais fonctionner ton cerveau, tu débutes un alzheimer ma parole ! J'étais persuadée de les avoir vus récemment, et ce n'était pas une réminiscence du passé. Pour le coup, Vince m'aurait été très utile, c'était le moment d'avoir un avis de neurologue expérimenté.
- Alors, qu'est-ce qui t'a poussée à revenir plus vite que prévu ? dit-il en s'installant confortablement dans le divan.
- Je ne vous apprends rien si je vous dis que Vince et Sam ont été les deux éléments déclencheurs. Depuis deux semaines, je découvre des choses hallucinantes tous les jours et à force de tenter de démêler le sac de noeuds dans lequel je suis, j'ai fini par remonter la piste jusqu'à vous.
M. hocha la tête, but une gorgée de thé et reposa sa tasse. Il se tourna vers moi le bras étendu sur le haut du canapé.
- Et tu es donc venue chercher des réponses. Je te sens nerveuse d'ailleurs. Aurais-tu peur de ce que tu vas découvrir Nora ? dit-il en me fixant de ses yeux perçants.
- Pour être totalement honnête, j'en ai assez que tout le monde me mente, je ne sais plus à qui me fier, répondis-je alors que le rouge commençait à me monter aux joues. Oups ! Nora ! Laisse tes hormones au placard tu veux ??!!
-
Je comprends ta position, tu es comme une biche poursuivie par des chasseurs dans un bois, une proie désorientée et vulnérable.
Je plongeai le nez dans ma tasse pour ne pas lui dire qu'il avait raison, mais il avait parfaitement évalué mon problème.
Comme je ne disais rien, il poursuivit.
- Qu'attends-tu de moi ?
- La vérité sans fioriture sur ce qui s'est passé avant ma mort, sur mon séjour ici, sur mon nouveau départ en bas. Tout quoi ! Mais pour commencer, j'aimerais bien que vous me disiez pourquoi tout le monde me tutoie ici, je trouve ça assez déplacé alors qu'on a pas gardé les vaches ensemble tout de même.
M rit de bon coeur.
- Entre anges, personne ne s'encombre du vouvoiement, hormis avec le Patron bien entendu !
- Mmmm, bien sûr cela va de soi ... marmonnai-je.
- Pour revenir à tes autres questions, j'aurais préféré que tu découvres les choses pas à pas avec un oeil neuf et un regard objectif mais je sens que tu ne m'en laisseras pas l'occasion, pas vrai ?
- Il y a des chances que ma patience soit en effet très limitée, répliquai-je sèchement.
M approcha son visage du mien. Je tentai de rester impassible.
- Avant que je te révèle tous les détails y compris les plus sordides, sache que nous avons passé toi et moi, depuis ta mort jusqu'à ta descente sur Terre, 400 longues et heureuses années ensemble.
- Pardon ???? m'écriai-je.
- Visiblement, cette information n'a pas été relayée par Sam et Vince. Ils me donnent tous les deux, le rôle de l'affreux méchant mais ils ne savent rien de notre vécu en tant que couple.
Je manquai de m'étouffer avec le cookie que j'étais en train de grignoter. Celle-là, je ne l'avais pas vu venir !


A suivre ...









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