vendredi 19 décembre 2014

Entretien divin

J'aurais voulu trouver les mots justes pour une telle situation mais tout était si confus. Comment savoir quoi faire ou quoi dire quand il me manquait une partie des informations de base ? Même une séance d'hypnose avec Vince aurait été inutile dans mon cas puisque le Patron verrouillait tout. Ma formation de psy ne m'était d'aucune aide non plus. Pour le moment, je ne pouvais compter que sur mon instinct de survie et mon intuition. En même temps, l'instinct de survie ne me servait pas à grand chose non plus puisque j'étais déjà morte depuis un bout de temps.
Le soleil commençait à décliner dans le ciel. Je ne sais combien de temps j'avais passé à caresser les cheveux de M tout en réfléchissant comme lorsque je passais la main dans le pelage de Win. Nous avions fini par nous asseoir par terre, il avait posé sa tête sur mes genoux et le silence était tombé en même temps que le jour. Tout à coup, j'aperçus Raphaël qui venait de se poser au bout de la terrasse. Quelque chose me disait que c'était le début des ennuis. Il s'approcha tellement doucement que M, perdu dans ses pensées lui aussi, ne s'était pas rendu compte de son arrivée.
- Nora ?
Je relevai la tête. M poussa un grognement d'ange des cavernes avant de se mettre debout. Je me levai à mon tour.
- IL veut te voir tout de suite, annonça Raphaël.
Je pris une grande inspiration.
- Je m'en doutais. J'arrive.
M me barra le passage.
- Elle n'ira pas toute seule, je viens aussi, dit-il en s'adressant à Raphaël.
Ce dernier fit non de la tête.
- IL veut lui parler seul à seule. Attends ici, je viendrai te prévenir quand ce sera fini.
- C'est hors de question et tu sais que c'est inutile d'insister.
M. il a entendu tout ce que tu as fait, tu as dépassé les bornes. C'est pour cela qu'il veut s'entretenir uniquement avec elle. IL décidera de ton sort plus tard.
- Je n'en attendais pas moins de Lui. Il est normal que je réponde de mes actes mais peux-tu m'accorder une minute avec Nora s'il te plait ?
Raphaël hocha la tête et se mit à l'écart à l'autre bout de la terrasse.
M. posa ses deux mains sur mes épaules et me fit face.
- Nora, je t'en prie, je sais que tu as la langue bien pendue alors ne joue pas avec le feu. Écoute patiemment ce qu'il te dira, prends ton temps pour répondre quand il te posera une question.
Je haussai les épaules.
- Je devrais réussir à m'en sortir.
- Ne le sous-estime pas, ce n'est pas parce-que c'est Dieu, celui qui est censé être rempli de bonté qu'il va forcément être gentil avec toi. Il est capable de tout, il a un caractère épouvantable parfois.
- Pire que le vôtre ? ironisai-je.
- Encore plus susceptible et entêté que moi, c'est dire !
- Pfiou j'en fais mon affaire, j'ai eu des patients pires que Lui.
M secoua la tête.
- Nora, je te le répète, fais très attention, tu prends les choses trop à la légère.
- Dites donc, c'est vous qui m'avez mise dans le pétrin et c'est moi qui devrais avoir peur ? Elle est bien bonne celle-là !
M leva les yeux au ciel d'agacement et me cloua le bec par un baiser. Nan mais oh il aurait pu me demander mon avis quand même ! Je dois bien admettre que c'était un baiser plus qu'agréable mais je ne lui donnerais pas la satisfaction de le lui dire. Comme si j'allais m'extasier devant un mec qui m'avait envoyée au feu pour me garder avec lui toute l'éternité. Je savais bien que la jalousie faisait faire des conneries, mais à ce point c'était extrême.
M scruta mon regard pour y déchiffrer ce que j'avais pu ressentir.
- Aucun souvenir ne te revient je parie, dit-il déçu.
C'était quoi cette manie du test du baiser d'ailleurs ?! Je vous jure ...
- Non et puis c'est bien la première fois que je me fais embrasser par un chat ! ajoutai-je pour clore le débat.
M éclata de rire.
- Au moins même si tu me détestes pour ce que j'ai pu faire, tu n'as pas perdu ton sens de l'humour.
Il remit une mèche de mes cheveux derrière mon oreille tout en observant mon visage comme s'il voulait le graver pour toujours dans sa mémoire.
- Je ne sais pas si je dois vous détester ou vous faire embarquer chez les dingues, ou même vous gratouiller le ventre parce-que j'aimais Win et qu'il a été un animal de compagnie tendre, patient et dévoué. Une chose reste certaine, je ne perds jamais mon humour, juste la raison de temps à autre, mais je me soigne ! Bon, ce n'est pas que je m'ennuie mais ON m'attend.
Une minute de plus et j'aurais été capable d'avoir un geste tendre pour lui, il ne le fallait surtout pas. Pas maintenant. Pas tant que je n'avais pas toutes les cartes en main. Déjà que j'étais tombée dans un syndrome de Stockholm à l'insu de mon plein gré pendant 400 ans, inutile d'en rajouter.
Je m'écartai de M pour rejoindre Raphaël. M ne put s'empêcher de me dire une dernière chose alors que j'avais le dos tourné et que je m'éloignais de lui.
- Nora, souviens-toi que je t'aime !
Ce à quoi je répondis avec désinvolture malgré un pincement au coeur.
- Je tâcherai de ne pas l'oublier, s'IL m'en laisse l'occasion. Quant à partager le même sentiment, c'est une autre histoire ...
J'agitai la main sans me retourner en signe d'au revoir ou d'adieu, allez savoir ...
Raphaël m'accueillit avec un léger sourire mais il semblait préoccupé. Il me prit par la main et nous nous dématérialisâmes. Cette fois pas d'ascenseur mais je me retrouvai malgré tout au dixième niveau.
Raphaël m'escorta jusqu'au bureau du Big Boss. Un détail m'intriguait.
- Qu'y a-t-il au huitième et neuvième niveau au fait ? le questionnai-je.
- Bah la cantine et la discothèque qu'est-ce que tu croyais ? me fit-il avec un clin d'oeil.
Je pouffai malgré le sérieux de la situation. Quel pince sans rire celui-là ! J'imaginais mal Uriel ou le Patron en train de se déhancher sur une piste de danse. Et puis d'abord, puisque nous étions tous morts quel était l'intérêt de manger ou de danser ? Aucun ! Encore des bobards, il faudrait que j'interroge M ou Sam à l'occasion pour en savoir plus.
- Pas trop nerveuse ? me demanda mon ancien instructeur.
- Morte de trouille serait plus approprié, soufflai-je alors que nous arrivions devant une nouvelle double porte en bois massif.
- Ne t'en fais pas, il ne va pas te manger.
- Je me doute bien qu'il donne les anges déviants en pâture à Lucifer au lieu de les servir en sushis au réfectoire !
Raphaël ne put s'empêcher de rire.
- Je ne me rappelais plus à quel point tes répliques à deux balles m'avaient manqué.
- Je vais le prendre comme un compliment même si je ne suis pas certaine d'avoir envie de me tordre de rire.
Raphaël reprit son sérieux assez vite malgré tout.
- Prête ?
- Absolument pas ! Mais bon, je ne vais pas Le faire attendre davantage.
La porte s'ouvrit.
- Je t'attends ici, dit-il en m'envoyant une tape dans le dos.
Je me faisais l'effet d'une vache qu'on amène à l'abattoir, je traînais des pieds.
Je me retrouvai au milieu d'une plateforme grande comme une cathédrale, aucun mur, juste un ciel de traîne jauni, un peu de la couleur qui précède une averse de grêle.
Une grosse voix raisonna à mes oreilles mais je ne vis personne.
- Nora Elizabeth Chester ! tonna-t-il.
Whouah en plus du reste, il comptait aussi m'exploser les tympans, ça commençait bien !
- Oui ? répondis-je avec une voix de souris en me retournant de tous les côtés, mais je ne voyais personne. Devais-je dire monsieur ou mon Dieu quand je m'adressais à lui ?! Je n'y connaissais rien du tout en protocole céleste moi !!!
- Pourquoi es-tu venue retrouver M sans avoir été convoquée ?
- Je voulais des réponses à mes questions.
- Tu aurais dû attendre que je t'appelle à moi. Tu n'es donc pas heureuse de ta nouvelle vie sur Terre ?
Je réfléchis un instant.
- Jusque là, elle était plutôt fade et sans saveur cette nouvelle vie. Et puis Vince et Sam ont fait leur apparition et les événements se sont précipités.
- Je vois. Mais ne peux-tu donc pas te contenter de rester avec des questions sans réponse ? Certains y parviennent très bien.
- Oui mais pas moi surtout quand on me demande de faire un choix et qu'on m'a caché des tas de choses.
- Dis toi que c'est pour une raison d'Etat ! ironisa Dieu.
- Et puis quoi encore ? Ca vous amuse M et vous de jouer les Men in black avec moi et de m'effacer la mémoire quand ça vous arrange ? J'en ai assez d'être manipulée.
- Je comprends, mais parfois il n'est pas bon de remuer la boue. M s'est très mal conduit, j'en conviens, et si j'avais su le fin mot de l'histoire avant aujourd'hui, il aurait été puni depuis très longtemps. Tu en as eu l'exemple avec Sam qui t'a séduite sous sa forme humaine. Il a été châtié comme le règlement le prévoit.
- Ah oui, vous avez autorisé qu'on lui arrache les ailes, c'était une véritable punition, presque une mise à mort. Mais vous parlez de M comme d'un gamin immature que vous allez mettre au coin. Y'aurait-t-il deux poids, deux mesures chez vous ?
Je sentis la plateforme trembler sous mes pieds.
- Le fait de te renvoyer sur Terre équivalait en effet à le mettre au coin pendant 30 ans et à te donner une seconde chance de vivre une existence normale.
- Vous m'avez surtout écartée parce-que je faisais de l'ombre aux membres du Conseil pas pour le reste. Et en plus, vous ne l'avez pas surveillé beaucoup puisqu'il a joué au chat gardien !
- Toi ? De l'ombre au Conseil ?! Petit ange insignifiant ! Ne va pas t'imaginer un pouvoir que tu n'as pas, à part celui de mettre la tête de mon archange le plus puissant à l'envers, tu n'es pas capable de grand chose d'autre. Pour ta gouverne, sache que je lui fais entièrement confiance même à l'heure actuelle, c'est un homme d'honneur et il est loin d'être aussi insensé que tu l'imagines. Il n'a pas fait arracher les ailes de Sam pour rien, tu n'étais pas l'unique motif de cette décision.
- C'est à dire ? m'exclamai-je.
- Sam fricotait aussi un peu trop avec le côté obscur de la force si tu vois ce que je veux dire. Il n'a pas été déchu juste pour une amourette avec une humaine. Alors si M. a profité de la situation, il n'est pas seul coupable dans l'histoire.
- Comme il est facile de charger un absent !
- Nora, il est tout aussi facile d'accuser sans savoir, rétorqua Dieu.
- Alors donnez-moi une explication rationnelle au fait que M n'ait pas hésité à me faire tuer pour m'avoir.
- De ce que j'ai compris M est amoureux, il t'a plutôt fait cadeau de l'éternité.
- Dites donc c'est un peu tiré par les cheveux votre raisonnement !
- Nora, savais-tu qu'un ange ne se conduit jamais de la même manière ici et sur Terre surtout quand il habite de nouveau un corps humain. Il a eu les mêmes pulsions que lorsqu'il était un homme bien vivant, excessif et impulsif.
- Vous excusez donc son comportement ?
- Non je ne l'excuse en rien, je tente de t'expliquer le décalage entre son comportement d'alors et la suite où finalement, tu as plutôt eu l'air de te plaire en sa compagnie.
- Imaginez vous bien que si j'avais su que c'était lui qui avait commandité ma mort pour emmerder Sam et lui faire perdre ses ailes par jalousie, j'aurais réfléchi à deux fois avant de lui tomber dans les bras.
- En dépit de tout cela, tu l'as aimé.
- Oui bein c'est vous qui le dites, rendez-moi mes souvenirs que j'en juge par moi-même ! Je ne vous fais pas confiance !
- Nora douterais-tu de ton Dieu ? gronda-t-il.
- Euh ... oui ! On ne peut pas dire que vous ayez des méthodes très catholiques !
M profita de ce moment pour débarquer pendant que je me faisais remonter les bretelles par le Big Boss.
- Nora, tais-toi je t'en supplie, arrête de le provoquer, il va t'envoyer en Enfer comme il l'a fait pour Sam !
J'étais exaspérée de l'ingérence de tout le monde dans mes affaires.
- Dites donc tous les deux, une petite minute ! Qui a arraché les ailes de Sam et qui l'a envoyé en Enfer ?
- Les ailes c'est moi, avoua M. Pour le reste, c'est Lui ! dit-il en pointant l'index vers le ciel.
Dieu commença sérieusement à se mettre en pétard.
- Métatron, je t'avais formellement interdit de venir ici pendant mon entretien avec Nora. Tu auras beau faire, tu ne pourras pas la protéger de tout. Tu paieras pour tes erreurs mais elle assumera seule son impertinence et sa légèreté.
Le Patron s'adressa à nouveau à moi sur le ton des mauvais jours.
- Qu'es-tu donc venue revendiquer ici Nora Chester ? Une place d'archange au Conseil, récupérer tes souvenirs, faire punir lourdement M, venger Sam ? Et le mal que tu as fait toi à Vince ? Tu n'es pas la blanche colombe que tu imagines Nora Chester ! Tu les voudrais bien tous les trois sans avoir à choisir, je sais lire dans ton esprit. Ton problème c'est que tu es incapable de faire un choix tranché et tu rejettes la faute sur Moi.
Celle-là je ne l'avais pas volée, j'avais fait du mal à Vince et le pire c'est que je continuais. Même avec ma nouvelle vie sur Terre, je n'avais pas fait mieux que la première fois. Mais insinuer que je voulais ouvrir un harem, fallait pas abuser non plus !
- Monsieur, mon Dieu, ou choisissez le terme que vous voudrez, je suis psychologue et je navigue tous les jours dans la fange cérébrale des humains alors sachez que non, je n'ai rien d'une blanche colombe, j'ai mes failles aussi, j'en suis consciente. Et ange ou pas, j'ai le droit de remettre votre jugement en question tout Big Boss que vous êtes !
Si M avait pu me bâillonner, je crois qu'il n'aurait pas hésité à me mettre un triple couche d'adhésif sur la bouche pour me faire taire. Un orage se préparait au paradis, j'avais mis le Patron en rogne.
- Nora, tu veux récupérer tes souvenirs ? C'est parfait tu les auras, mais tu auras un prix à payer.
- Lequel ?
- Tu ne veux pas de la vie paisible que j'ai choisie pour toi alors soit, je te rends tes souvenirs. En contrepartie, tu es nommée Haute Responsable à la Gestion des Créatures Obscures résidant sur Terre, tu auras des comptes à me rendre régulièrement. Par ailleurs, je te laisse une année entière pour décider du sort de M mais pendant cette année, il sera ton conseiller pour t'aider à remplir ta mission. Tu pourras voir s'il mérite que tu lui arraches les ailes toi-même ou si tu es capable de pardon. Tu verras ainsi combien il est difficile de décider du sort d'autrui.
Je faillis m'étrangler en entendant la sentence divine. Et Dieu finit de m'achever avec un dernier détail.
- Si tu échoues dans la mission que je t'ai confiée, tu n'auras aucune chance de revenir dans mes bonnes grâces, tu iras directement loger chez le grand cornu avec ce traître de Sam. Maintenant, disparaissez tous les deux ! Du balai !
Je sortis de chez le Patron dans un état second, ce qui ne m'a pas empêchée de l'entendre bougonner dans sa barbe "mais quelle emmerdeuse celle-là !"




A suivre ...



dimanche 14 décembre 2014

Avalanche d'informations

Non seulement je venais d'avaler de travers mon cookie mais en plus, je n'en croyais pas mes oreilles ! M et moi ??? Non il y avait forcément une embrouille quelque part ! Comment aurais-je fait pour passer 400 ans avec lui avec tout ce qui s'était passé ? Moi qui me défendais bien d'être une écervelée volage, là j'avais dépassé les bornes des limites ! Je n'avais donc qu'un pois chiche dans la boîte crânienne, de la sauce blanche en guise de neurones ?!
- Tu sembles déstabilisée Nora, dit-il doucement.
- Il y a de quoi ! Je viens pour des explications musclées, limite une déclaration de guerre et vous me recevez avec le thé pour me balancer dans la figure qu'on a partagé le même lit pendant 400 ans. Pardonnez-moi de vous le dire mais là, ça craint !
- Écoute, détends-toi un peu. Je vais te faire visiter les lieux pour que tu te réappropries l'espace et puis nous dînerons tranquillement sans la horde sauvage du cinquième niveau.
- Mais je ne veux pas dîner, je veux des réponses bon di..  bon sang, pardon !
Je m'étais raccrochée aux branches, ce n'était pas le moment de me mettre le Boss à dos en l'insultant, il devait avoir les oreilles partout celui-là.
M leva les yeux au ciel.
- Ne t'inquiètes pas, tu auras tes réponses en temps voulu.
- Pas dans cent ans j'espère ! ronchonnai-je.
- Je tâcherai d'être plus rapide que cela, mais par pitié arrête de me vouvoyer, j'ai l'impression d'être un étranger pour toi et c'est insupportable.
Je fronçai les sourcils et vis se dessiner à vue d'oeil, sur le visage de M, une immense contrariété.
- Ne me demandez pas l'impossible, pour l'instant, vous êtes un étranger et un danger potentiel.
La colère gagna les poings de M, il les serra fortement à s'en faire blanchir les jointures. Visiblement, je l'avais mis en pétard mais contre toute attente, la colère ne dura pas longtemps. Ou alors il était très bon comédien.
- Je saurai te faire changer d'avis, dit-il avec un clin d'oeil.
Je haussai les épaules mais il fit semblant de ne pas le remarquer.
- Suis-moi, ajouta-t-il.
J'embarquai un autre cookie double chocolat pour la route - entre nous, ils étaient à tomber ces biscuits - et lui emboîtai le pas. Nous sortîmes du bureau ovale pour rejoindre le fameux couloir glauque, au bout de vingt mètres, dans un recoin peu éclairé, se trouvait une petite porte dérobée. Il passa la paume de sa main devant un mini scanner et la porte s'ouvrit automatiquement. Finalement, le paradis était à la pointe de la technologie, ce n'était pas aussi poussiéreux et archaïque que je l'imaginais. Il s'écarta pour me laisser passer la première. J'étais face à l'entrée d'un appartement feutré, la moquette rouge foncée, épaisse, étouffait le bruit de mes pas.
- Entre, fais comme chez toi, dit-il à mon oreille.
Cette phrase faisait terriblement cliché, j'avais l'impression de jouer dans un film à l'eau de rose. Cela dit, en toute franchise, l'acteur principal du jour n'était pas du tout désagréable à regarder... Bon d'accord, autant avouer qu'il était sacrément bien foutu ! Nora, ma vieille tu t'égares, ressaisies-toi !
Je le pris aux mots et accrochai mon coupe-vent à la patère qui se trouvait près de l'entrée. Il faisait une chaleur agréable et mon manteau commençait à me gêner.
Je m'aventurerai dans la première pièce à ma droite. Il s'agissait d'un immense salon aux murs couleur crème, avec de larges baies vitrées donnant encore là aussi une vue directe sur le soleil et les nuages. L'éclairage y était plus doux que dans le bureau, plus intime. Une agréable odeur de lavande embaumait la pièce. Je promenais ma main sur le dessus du canapé en cuir beige, puis sur le piano à queue noir qui se trouvait non loin de la cheminée. Tout ressemblait à un logement classique décoré avec goût. Est-ce que j'étais déjà venue ici auparavant ? Je ne saurais le dire. M restait en retrait pour m'observer à loisir, je sentais son regard me suivre dans tous mes gestes. Je me retournai un instant pour le fixer, il esquissa un sourire, il me sembla alors terriblement humain pour vivre dans un endroit pareil malgré son immortalité. Nora ne te laisse pas attendrir, il n'attend que ça !
Je ressortis du salon, en face il y avait une vraie cuisine. Je me demandais si M savait faire à manger, j'imaginais mal un archange supérieur derrière les fourneaux mais bon pourquoi pas ? En tablier, caleçon, et ... Rhooo !!!! Nora t'as pas fini de te faire des films, refroidis tes hormones tu veux ?!
- Tu as faim ? me demanda-t-il. Je peux te préparer quelque chose si tu veux.
- Non merci. Plus tard peut-être.
Je quittai la cuisine afin de poursuivre mon périple. Plus loin sur la gauche, je tombai sur une très grande salle de bain au sol de marbre, douche à l'italienne, ainsi qu'une baignoire assez grande pour tenir à deux dedans.
Je me rendis enfin dans la dernière pièce. Une chambre lumineuse avec un lit d'au moins deux mètres de large, des couvertures et coussins dans les tons ivoire. Un cadre attira mon attention sur une des tables de nuit qui encadraient le lit. Je m'approchai pour voir qui se trouvait sur cette photo. J'en restai sans voix lorsque je réalisai que  M et moi étions enlacés et nous embrassions. J'avais la preuve en image à moins qu'il n'ait utilisé un trucage pour me déstabiliser. C'est vrai quoi un tour de photoshop et on pouvait transformer ce que l'on voulait !
M était appuyé au chambranle de la porte, il me regarda encaisser la photo en silence, il devait s'attendre à l'explosion qui allait suivre lorsque je mis mon nez dans le dressing. D'un côté ses affaires à lui, costumes chics, chemises, cravates et de l'autre, des vêtements féminins à ma taille, dans mes coloris préférés, des chaussures à ma pointure. Des robes, des chemisiers, des froufous, des talons hauts, tout y était !
Je sortis du dressing pâle comme la mort mais ce fût le coup de trop lorsque je m'aperçus que ma bouteille de parfum se trouvait sur la coiffeuse à côté d'une autre photo où manifestement je le regardais avec amour comme la huitième merveille du monde.
J'allai m'asseoir sur le lit, la tête me tournait.
M vint s'installer près de moi, il me prit la main doucement.
- Nora, je sais que c'est sans doute difficile à avaler pour toi, mais il te fallait des preuves. Je ne suis pas le monstre que tu imagines même si je ne suis pas toujours fier de ce que j'ai pu accomplir.
Tu es ici chez toi Nora, c'est notre "chez nous". J'ai tant espéré ton retour, maintenant que tu es là, je ne sais plus trop par où commencer, j'ai tellement de choses à te révéler que j'ai peur ... peur de te perdre pour toujours.
Je relevai la tête et rencontrai ses yeux dorés.
- Je promets d'écouter jusqu'au bout tout ce que vous aurez à me dire. Je ne peux rien promettre d'autre, dis-je avec un pincement évident au coeur.
M poussa un soupir à fendre l'âme. Il se leva et alla ouvrir la porte fenêtre de la chambre.
- Viens discuter avec moi sur la terrasse quand tu seras prête, je t'attends.
Il me fallut bien cinq bonnes minutes pour me remettre d'aplomb, le choc avait été rude et je me préparais, j'en étais certaine, à entendre des choses qui allaient dépasser l'entendement.
Lorsque je le retrouvai dehors, M avait tombé la veste de costume et desserré sa cravate. Il était assis sur un fauteuil de jardin en teck, un verre d'alcool à la main. Les rayons du soleil jouaient avec la couleur de ses cheveux blonds cendrés. Il avait un profil bien dessiné, presque l'équivalent d'une gravure de mode à l'exception près qu'il avait l'air tendu et tourmenté. Je pris le siège près du sien.
- Tu en veux un ? dit-il en montrant son verre.
- Non merci, je vais attendre encore un peu avant de prendre une nouvelle cuite, j'ai encore mal à la tête à cause de la précédente.
M éclata de rire.
- Tu n'as jamais tenu l'alcool !
- Merci bien, vous êtes le troisième à me dire ça aujourd'hui, répondis-je agacée.
Bien, je vous écoute, videz votre sac !
- Nora tu es sûre de vouloir tout savoir ? implora-t-il.
- Oui !
Il souffla pour se donner du courage, passa une main dans ses cheveux et se jeta à l'eau.
- En 1679, tu as fait la connaissance de Sam suite à une tentative d'agression par Van Helsing. A l'époque il était courant que les femmes se fassent trousser sans leur consentement. Sam était ton gardien et il est normal qu'il soit intervenu pour te sauver. Maintenant je vais te révéler la première chose qui va te faire bondir.
Il venait de capter toute mon attention.
- Van Helsing est mort en 1600 et il n'est jamais revenu sous la forme d'un immortel. J'ai pris son apparence pour descendre sur Terre lorsque je m'ennuyais ici. Je n'étais pas du tout le même homme qu'aujourd'hui, j'agissais comme un rustre.
Mon sang venait de se figer dans mes veines. M reprit son récit.
- Lorsque Sam est venu te sauver, j'ai vu rouge. Je te voulais rien que pour moi. Il ne savait pas qui j'étais, il me prenait pour un simple humain, partisan de la chasse aux sorcières. Tout comme Vince dont je me suis servi par la suite. La première fois que je t'ai aperçue, j'ai ressenti une pulsion presque animale, il fallait que tu sois à moi par tous les moyens. Sam s'était interposé, il allait payer. J'ai fait en sorte que le Conseil l'éloigne de toi pendant un certain temps. J'ai cru qu'il obéirait et qu'ainsi j'aurais le champ libre pour t'approcher. Il n'en a rien fait, il est passé outre les ordres. Je me suis donc servi de Vince pour enfoncer le clou en lui faisant croire à ton infidélité et en le laissant décider de votre sort. D'une, je me débarrassais de Sam qui allait perdre ses ailes et de deux, je me débarrassais également de Vince puisqu'il t'avait lui même envoyé sur le bûcher par désespoir. De mon côté, j'avais bien calculé mon coup. J'ai tout fait pour que ton âme soit reconnue innocente de ce dont on l'accusait, tu n'avais jamais pratiqué la sorcellerie. D'ailleurs, Sam a largement plaidé pour toi avant qu'on l'envoie faire un tour dans les lymbes.
M. but une gorgée de whisky. De mon côté, je naviguais quasiment dans la quatrième dimension.
- Une fois que tu es arrivée ici, comme tu as été déclarée morte en martyre, j'ai obtenu l'autorisation de faire de toi un ange. J'ai effacé tes souvenirs pour que tu oublies Sam et Vince, je voulais que tu aies une image objective à propos de moi. Je me rends bien compte combien le procédé que j'ai employé est abominable. Parfois je me fais l'effet d'un monstre, je m'en veux chaque jour de t'avoir fait vivre 400 ans dans le mensonge. J'ai veillé à ce que Raphaël t'assure une formation correcte d'ange gardien, mais même si tu étais toujours dans les parages et que je te croisais régulièrement, ce n'était pas suffisant. Alors je t'ai donné une promotion et tu as été affectée au service du Conseil des cinq, beaucoup plus près de moi. De fil en aiguille, je t'ai rencontrée plus souvent, tu es quasiment devenue mon assistante personnelle. Un lien plus tendre s'est créé au fil du temps, j'ai obtenu ta confiance, ton respect, ton estime et ton amour aussi. Tu m'as tout donné avec un tel abandon Nora que je n'ai pas eu le courage de t'avouer les conditions sordides dans lesquelles tout avait débuté. Quand le Conseil a su que nous étions ensemble, beaucoup n'ont pas été d'accord et ce d'autant plus que j'avais proposé ta nomination à un poste d'archange. Je voulais que tu fasses partie de Conseil avec moi. Nous étions tellement fusionnels que cela me paraissait naturel de t'avoir tout le temps avec moi. Mais cette fois, le Big Boss n'a pas été de mon avis, il trouvait que je négligeais mes obligations, que je m'étais ramolli. J'avais moins la hargne, j'étais amoureux ...
Pour me ramener dans le droit chemin, c'est lui qui a décidé avec une partie du Conseil de t'effacer à nouveau tes souvenirs et de te renvoyer sur Terre pour un lapse de temps indéfini histoire que je comprenne où était l'essentiel dans mon rôle d'archange. Ils n'ont pas compris combien tu étais vitale à mon existence, quand ils t'ont renvoyée en bas, je n'ai pas pu le supporter bien sagement sans rien faire. Alors je suis descendu aussi souvent que je le pouvais pour être près de toi.
- Sous la forme de Van Helsing ? demandai-je.
- Pas seulement. Van Helsing ne pouvait pas se trouver aussi près de toi que je le voulais alors j'ai pris une autre forme pour être avec toi le plus souvent possible, dit-il.
J'avais beau réfléchir, je ne voyais pas dans la peau de qui il avait pu se mettre.
- Tu ne trouveras jamais, c'était assez tordu comme idée mais ça a bien fonctionné. Depuis 8 ans maintenant, je partage toutes tes nuits.
- Je savais bien que je connaissais vos yeux, j'ai tout de suite reconnu cette couleur particulière sans pouvoir malgré tout la rattacher à quelqu'un.
- C'est normal que tu ne trouves pas, tu cherches parmi les humains.
Je réfléchis quelques secondes et tout à coup, mes neurones firent connexion.
- Vous avez pris l'apparence de Win ???!!! m'écriai-je.
M. fit un large sourire accompagné d'un clin d'oeil.
- Bien joué ! J'adore quand tu me grattouilles le ventre et le dessus de la tête mais ça ne vaut pas les câlins d'avant ! Cela dit, je m'en suis contenté jusqu'à ce matin, je n'avais pas le choix. Le plus important c'était de pouvoir veiller sur toi même de loin. Tu ne soupçonnes pas à quel point j'ai pu être malheureux sans toi, ne pas pouvoir te toucher, t'embrasser, sentir ton parfum, voler dans les nuages avec toi. J'ai été puni pour tout le mal que j'ai pu te faire, et je l'ai bien mérité. Maintenant tu as oublié à quel point je t'aimais et tu ne vas retenir de moi que l'image d'un monstre manipulateur. Pourtant si tu savais combien nous avons été heureux ensemble, tout serait peut-être différent ... Si seulement le patron voulait bien te rendre tes souvenirs, tu pourrais juger en toute connaissance de cause.
M. posa son verre, se leva et vint s'agenouiller devant moi.
- Nora, je t'en prie, pourras-tu un jour me pardonner ? dit-il en me suppliant du regard.
Il semblait si malheureux et dévasté qu'il m'en arracha des larmes. Je ne savais même pas pourquoi je pleurais, il avait l'air tellement sincère que mon estomac se noua. J'étendis la main pour caresser ses cheveux comme je l'aurais fait avec le pelage de Win... Je ne savais plus ce que j'étais sensée ressentir, de la haine, de la peine, du dégoût, du soulagement de l'avoir retrouvé. Non je ne savais plus, j'étais larguée ...

A suivre ...











dimanche 7 décembre 2014

Septième niveau

Mais qu'est-ce que j'en avais marre de ces montées interminables ! Les bureaux du Big Boss étaient donc sans limites ? Tout à coup je me demandai comment j'allais m'y prendre avec Métatron, je n'avais préparé aucun discours, j'étais partie les mains dans les poches comme une touriste ! Je fermai les yeux quelques secondes pour tenter de me concentrer sur la tactique à adopter.
Ding ! Lorsque j'ouvris les paupières, je me retrouvai nez à nez avec Van Helsing. Oh non ! Le cerbère de service ! Manquait plus que celui là !
Ce type, avec ses cheveux et ses yeux gris, me donnait systématiquement froid dans le dos.
- Miss Chester ! Quel plaisir de vous revoir ... Je ne vous attendais pas si tôt ici, dit-il sur un ton mielleux.
- Moi non plus ! répliquai-je sèchement.
- Vous en avez eu marre de vos deux zigotos ?! Remarquez depuis le nombre d'années qu'ils s'accrochent à vos basques, je ne suis pas étonné que vous ayez eu besoin d'air. Avec eux, c'est toujours la même rengaine j'imagine ?!
- Je crois bien qu'il me manque un sacré pan de mémoire pour pouvoir vous répondre. Vous comptez me faire poireauter dans l'ascenseur pour le reste de l'éternité ou vous allez me laisser passer ? lançai-je sarcastique.
Il s'écarta du passage et je me retrouvai face au même genre de couloir qu'au cinquième niveau.
- Je ne suis pas votre ennemi Miss Chester, vous vous méprenez sur mes intentions.
- Attendez deux secondes que je me rappelle ce que j'ai lu dans mon journal. Ce n'est pas vous qui avez essayé de me violer en 1679 et qui m'avez fait plonger dans les flammes en 1680 ?! Espèce de barjot sadique !
- C'est de l'histoire ancienne tout cela, vous avez la rancune tenace Miss Chester.
- Désolée mais pour moi, ce sont des nouvelles tout ce qu'il y a de plus fraîches et je suis loin de vous avoir à la bonne. Maintenant, dîtes-moi où est M ?
- Il m'a chargé de votre accueil, il sait que vous êtes là.
Bah voyons, c'est "radio chiottes" ici, on sait tout ce qui se passe à la vitesse de l'éclair !
- Forcément dans cet endroit, il n'y a que moi qui ne sache rien et qu'on prend pour la débile de service. Est-ce que j'ai l'air d'une blonde écervelée ?! grognai-je.
Van Helsing parut décontenancé.
- Loin de là Miss Chester, vous êtes une charmante brune intelligente. Hum ...
 Veuillez me suivre je vous prie.
Je t'en ficherais moi de la charmante brune, espèce de psychopathe au costard Armani taillé sur mesure !
Je lui emboîtai le pas et je parvins encore devant une lourde double porte.
La plaque dorée indiquait M . Et bien au moins, il n'y avait pas à se tromper, j'étais au pied du mur.
Un battant s'ouvrit tout seul.
- Après vous Miss Chester, dit Van Helsing.
J'allais me retourner pour lui signifier qu'il pouvait se prendre sa galanterie à deux balles et se la mettre là où je pense, mais il avait déjà disparu. J'étais déçue mais il ne perdait rien pour attendre cet affreux. Je m'attendais à nouveau à une salle de réunion glauque. Au lieu de cela, je débouchai sur une espèce de réplique du bureau ovale de Washington avec des tapis moelleux au sol, des fauteuils plus qu'accueillants, une théière fumante et des biscuits déposés sur une table basse. Il n'y avait pas de mur, tout était vitré avec vue directe sur les nuages et le ciel bleu.
M était de dos, il regardait le paysage au dehors, les bras croisés dans le dos tel Napoléon, il avait plutôt la carrure d'un général en pleine réflexion qui se tâtait ou non à engager une bataille. Le soleil donnait dans la pièce, M. n'était qu'une ombre dans la lumière. Il ne se dégageait aucune tension palpable, je ressentais dans ce lieu un calme presque familier. Combien de temps avais-je passé ici auparavant ? Mystère ...
Je fis quelques pas pour me rapprocher du bureau qui nous séparait, j'hésitais à briser le silence. Mon coeur battait plus vite que de raison. Gestion du stress Nora, bon sang, gestion du stress !
- Bienvenue à la maison Nora, dit-il d'une voix douce.
Hein ?! Quoi ?! Il ne me vole pas dans les plumes ? Pas d'éclair ? Pas de tonnerre ? Mais c'est qui ce mou du genou ? Il va me le jouer gentil en plus ??? J'ai dû me tromper d'étage c'est pas possible !!!!
- Euh ... merci, marmonnai-je.
- J'attendais ce moment depuis longtemps, je suis heureux que tu sois rentrée de toi-même.
- Visiblement, vous êtes bien le seul à être content de ma venue, répliquai-je.
M n'avait pas bougé, il était toujours à contre-jour à regarder le soleil par la fenêtre. Pour ma part, toute cette lumière m'agressait, j'allais bientôt me retrouver avec les yeux larmoyants à force de fixer son dos dans la lumière. Je ne distinguais même pas la couleur de ses cheveux. Je mis ma main en visière pour me faire un peu d'ombre mais ça ne changeait pas grand chose.
M. émit un rire léger.
- Pourquoi serais-je mécontent de ton retour ? continua- t-il sur le même ton agréable.
- Soit j'ai été mal informée, soit j'ai loupé un épisode mais c'est vous qui avez décidé de ma fin en 1680 et c'est aussi vous qui m'avez renvoyée sur Terre pendant les 30 dernières années parce-qu'il parait que je mettais le bazar ici ?
- Nora, j'admire ta technique de psy, tu prêches le faux pour savoir le vrai.
- C'était aussi une technique efficace pendant l'Inquisition, vous ne croyez pas ?! lançai-je ironique.
- Au moins, tu n'as pas perdu ton sens de l'humour pendant toutes ces années.
Je me frottai les yeux, cette lumière m'aveuglait tellement que j'avais envie de les fermer et d'opérer en aveugle. Comment faisait-il pour la supporter ? Ca devait être un truc d'archange !
- Vas t'asseoir sur le divan Nora, tu seras plus à ton aise, la trop forte clarté n'a jamais réussi à tes jolis yeux.
Mais enfin pourquoi était-il aussi sympa avec moi ? Il avait des remords ou quoi ?!
J'obtempérai et allai m'asseoir. M. claqua des doigts et les vitres se teintèrent, voilà qui convenait beaucoup mieux à ma rétine. Il se retourna enfin et vint à ma rencontre d'une démarche féline. Il portait un costume gris anthracite, chemise blanche, cravate noire, très chic, plus le style d'un homme d'affaires que d'un archange supérieur. Ses cheveux blonds vénitiens coupés courts tranchaient avec la couleur de sa veste.
Au moins, tous les anges n'avaient pas les cheveux aussi longs que Sam, un bon point pour lui, sa tignasse ne m'agacerait pas pendant tout notre entretien !
M s'assit près de moi sur le divan. Il se pencha vers la table basse et retourna les deux tasses, et tout en s'emparant de la théière, il continua la conversation.
- Un thé léger, un seul sucre, c'est bien ça ? s'enquit-il.
- Bien ... euh ... oui, bredouillai-je. Il savait aussi comment je prenais mon thé ??
M étouffa un rire léger face à ma surprise. Il se tourna vers moi pour me tendre la tasse et je croisai enfin son regard de plus près. Il avait les yeux jaunes dorés pailletés de vert. Ces yeux là ne m'étaient pas inconnus, je les avais déjà observés ailleurs mais où ? Nom de Zeus, où avais-je déjà croisés ces yeux là ? Ils m'étaient familiers, sûre et certaine ! Rhooo Nora, fais fonctionner ton cerveau, tu débutes un alzheimer ma parole ! J'étais persuadée de les avoir vus récemment, et ce n'était pas une réminiscence du passé. Pour le coup, Vince m'aurait été très utile, c'était le moment d'avoir un avis de neurologue expérimenté.
- Alors, qu'est-ce qui t'a poussée à revenir plus vite que prévu ? dit-il en s'installant confortablement dans le divan.
- Je ne vous apprends rien si je vous dis que Vince et Sam ont été les deux éléments déclencheurs. Depuis deux semaines, je découvre des choses hallucinantes tous les jours et à force de tenter de démêler le sac de noeuds dans lequel je suis, j'ai fini par remonter la piste jusqu'à vous.
M. hocha la tête, but une gorgée de thé et reposa sa tasse. Il se tourna vers moi le bras étendu sur le haut du canapé.
- Et tu es donc venue chercher des réponses. Je te sens nerveuse d'ailleurs. Aurais-tu peur de ce que tu vas découvrir Nora ? dit-il en me fixant de ses yeux perçants.
- Pour être totalement honnête, j'en ai assez que tout le monde me mente, je ne sais plus à qui me fier, répondis-je alors que le rouge commençait à me monter aux joues. Oups ! Nora ! Laisse tes hormones au placard tu veux ??!!
-
Je comprends ta position, tu es comme une biche poursuivie par des chasseurs dans un bois, une proie désorientée et vulnérable.
Je plongeai le nez dans ma tasse pour ne pas lui dire qu'il avait raison, mais il avait parfaitement évalué mon problème.
Comme je ne disais rien, il poursuivit.
- Qu'attends-tu de moi ?
- La vérité sans fioriture sur ce qui s'est passé avant ma mort, sur mon séjour ici, sur mon nouveau départ en bas. Tout quoi ! Mais pour commencer, j'aimerais bien que vous me disiez pourquoi tout le monde me tutoie ici, je trouve ça assez déplacé alors qu'on a pas gardé les vaches ensemble tout de même.
M rit de bon coeur.
- Entre anges, personne ne s'encombre du vouvoiement, hormis avec le Patron bien entendu !
- Mmmm, bien sûr cela va de soi ... marmonnai-je.
- Pour revenir à tes autres questions, j'aurais préféré que tu découvres les choses pas à pas avec un oeil neuf et un regard objectif mais je sens que tu ne m'en laisseras pas l'occasion, pas vrai ?
- Il y a des chances que ma patience soit en effet très limitée, répliquai-je sèchement.
M approcha son visage du mien. Je tentai de rester impassible.
- Avant que je te révèle tous les détails y compris les plus sordides, sache que nous avons passé toi et moi, depuis ta mort jusqu'à ta descente sur Terre, 400 longues et heureuses années ensemble.
- Pardon ???? m'écriai-je.
- Visiblement, cette information n'a pas été relayée par Sam et Vince. Ils me donnent tous les deux, le rôle de l'affreux méchant mais ils ne savent rien de notre vécu en tant que couple.
Je manquai de m'étouffer avec le cookie que j'étais en train de grignoter. Celle-là, je ne l'avais pas vu venir !


A suivre ...









jeudi 4 décembre 2014

Aux portes du ciel

Quelques heures plus tard dans mon appartement.
- Maman ? ...
Pas de réponse. J'essayai un peu plus fort. Win se faufila entre mes pieds.
- Maman ?
Toujours rien.
- Lilaaaaaa !!!!!!! Mère indigne, espèce d'ange à deux balles !!!! Vas-tu ramener tes ailes ici vite fait ?!
Dorénavant, je ne comptais plus donner dans la délicatesse avec elle. Pour le peu d'aide et de tendresse qu'elle m'avait apportée, je n'avais pas à prendre de pincettes.
- Comment ça ange à deux balles ???? Non mais dis donc jeune fille, tu veux que je te botte les fesses à coup de fouet céleste ?! Ton joli popotin aurait de chouettes brûlures ! dit-elle avec un sourire narquois.
- Ah ! Enfin ! J'ai failli attendre, m'exaspérai-je. Ton sonotone est en panne ou quoi ?!
Pour toute réponse, j'obtins un grondement sourd. Quelque chose me disait qu'elle avait envie de me voler dans les plumes depuis une éternité !
- Que veux-tu Nora ? claqua-t-elle.
Je mis directement les pieds dans le plat.
- Je veux aller là-haut ! dis-je en désignant le ciel de l'index.
Énorme soupir.
- Tu crois quoi jeune écervelée ?! Que tu peux monter quand l'envie te prend juste pour aller te balader ?
- De toute façon, je vais être convoquée tôt ou tard. Je ne fais que devancer l'appel.
- Mmm ... Et tu comptes faire quoi là-bas ? s'enquit-elle.
- Ah parce-qu'en plus, il faut un motif pour rentrer au bercail ! Génial !
Je soufflai bruyamment.
Si tu veux tout savoir, j'aimerais m'entretenir avec Métatron.
Lila éclata de rire !
- Et puis quoi encore ?! Un entretien avec le Big Boss aussi ?
Je levai le regard vers elle, très sérieuse.
- Si c'est nécessaire, pourquoi pas !
Lila marmonna pour elle-même :
- Elle est dingue, complètement barge, suicidaire, bonne à enfermer ! Et dire que c'est elle la psy ! Je rêve !
- Dis donc Lila, tu n'es pas obligée de faire comme si nous n'étions pas dans la même pièce toutes les deux.
Elle plissa les yeux, et afficha une fois de plus son petit sourire narquois qui m'agaçait tant.
- Très bien, si tu tiens tant que ça à provoquer la colère du Conseil des Cinq et à te prendre la correction de ta vie par Métatron, c'est avec une joie non dissimulée que je vais t'accompagner !
Lila émit un rire presque diabolique à l'idée que je me fasse démolir.
Je donnai un dernière caresse à Win avant de décoller.
Ma fausse mère me prit par la main et nous nous dématérialisâmes.

Finalement, le paradis n'est pas du tout comme on l'imagine avec les nuages et les séraphins qui jouent de la lyre. D'abord les séraphins sont très loin des petits angelots joufflus au sourire enfantin, ils sont aussi sympas que des trolls, donc pas très commodes. Moi qui m'attendais à un accueil teinté de chaleur et de douceur, c'est comme si j'étais tombée sur un rassemblement de dames pipi acariâtres qui font passer un contrôle de douanes ! Que de la balle, vas-y Nora serre les fesses et souris poliment !
-
C'est à quel sujet  ? demanda une des miniatures célestes dodue à souhait.
Lila se racla la gorge et me lança un regard par en dessous qui en disait long sur son impatience.
- La demoiselle voudrait s'entretenir avec M, répondit-elle ironiquement.
- Vous croyez qu'il n'a que ça à faire ?! M ne reçoit que sur rendez-vous pris à SON initiative.
Lila leva les yeux au ciel.
- Je sais tout ça trésor, mais la demoiselle insiste ...
Le séraphin commença à s'agiter devant son pupitre.
- Et pourquoi donc ? Elle se croit au-dessus du panier la petite dame ?! Elle a peut-être une langue pour parler d'ailleurs, dit-il en me toisant méchamment.
Je me redressai, limite au garde à vous.
- Identité, date de décès, je vous prie ! articula-t-il.
- Chester Nora, morte en 1680.
Le séraphin fit mine de consulter ses fichiers sur son ordinateur. Et tout à coup des bips bips retentirent.
- Vous êtes cette Nora là ????
Je haussai les épaules d'incompréhension.
- Passez votre main sous le scanner que je vérifie que vous êtes bien celle que vous prétendez être.
Je posai ma main sur un rectangle vitré froid. Un rayon vert passa trois fois sous ma paume.  Pendant ce temps, Lila se limait les ongles, à croire qu'elle n'avait que ça à faire dans un moment pareil.
Je me retins de siffloter pour cacher mon malaise.
- Misère ! C'est bien Elle !!!! lâcha le séraphin.
Je l'imaginais bien avoir la goutte de sueur froide en plein milieu du dos, juste entre ses toutes petites ailes dorées.
- Alors est-ce que je peux le voir ou pas ? hasardai-je.
- Un instant s'il vous plait, dit-il complètement affolé. Visiblement, il ne savait plus du tout où il campait. Le séraphin se précipita vers ses collègues en plein bavardage céleste. Tout à coup, un grand silence tomba, toutes les bouilles rondes des angelots se tournèrent vers moi, pleines d'incrédulité. Puis ils se retournèrent et formèrent un cercle serré. On aurait dit une mêlée de rugby ! Ca sentait limite le complot, moi je vous le dis ! 
Après plusieurs minutes de concertation, Séraphin 1er revint vers nous.
- Je vais prévenir que vous êtes là, souffla-t-il en déglutissant avec peine.
Il prit une sorte de téléphone portable transparent avec d'infimes précautions, composa un numéro et visiblement la personne qui l'obtînt à l'autre bout de l'appareil n'était pas plus ravi que cela de ma présence. Séraphin 1er écarta le combiné de son oreille tant son interlocuteur se déchaînait.
Je perçus des bribes de conversation du style "Comment ça Elle est là ? Et Elle veut Le voir ?! Elle va encore semer la zizanie dans le Conseil !!! etc, etc ..."
Visiblement et sans mauvais jeu de mots, je n'étais pas en odeur de sainteté ici. C'était la meilleure de l'année !
Après avoir frôler une explosion du tympan gauche, Séraphin 1er nous montra un ascenseur, enfin l'engin tenait plus d'une plateforme en verre trempé, et nous dît de monter au cinquième niveau. Lila ne cacha pas son envie d'être ailleurs. Elle paraissait très mal à l'aise tout d'un coup. Son envie de me voir me faire remettre en place lui avait passé assez rapidement tout compte fait. Cette ascension jusqu'au niveau cinq sembla durer une éternité.
- Tu sais chez qui on va ? lui demandai-je.
- Pfff ... il faut vraiment tout te dire à toi ? Tu ne peux pas faire fonctionner ta mémoire un petit peu ?!
Je plissai les sourcils.
- Dois-je te rappeler qu'on m'a effacé tous mes souvenirs avant de me faire descendre sur Terre ? répondis-je sèchement.
Lila rit de bon coeur.
- La bonne excuse !
Ding !! Nous étions arrivées à destination.
Je me retrouvai face à une double porte géante avec un écriteau doré sur lequel était inscrit "CONSEIL DES CINQ - NE PAS DÉRANGER".
Lila me donna une bonne tape dans le dos. Je me retournai furieuse.
- Désolée, mais c'est ici que je t'abandonne, je tiens à garder mes ailes encore quelques siècles !
Et pouf, elle s'éclipsa. Quelle bourrique !
Bon et bien puisque j'étais là, je ne pouvais plus faire demi-tour. Je commençais à me sentir aussi nerveuse que Séraphin 1er mais il ne fallait rien laisser paraître.
Nora, bon sang, souviens-toi de ce séminaire sur la gestion du stress. Ca disait quoi déjà ?? Nulle que j'étais, c'était moi qui avais donné cette conférence et je ne me souvenais de rien. Fabuleux ! Alzheimer ça commence comme ça en plus !
Je n'eus même pas le temps de gratter à la porte qu'un des battants s'ouvrit en grinçant. Ils pourraient huiler les gonds quand même, que fait la maintenance ici ?! Elle se roule les pouces !
Je pénétrai dans un long couloir plutôt sombre. Honnêtement, je pensais que les couloirs du Ciel étaient plus lumineux que cela, on se croirait dans un immeuble de bureau assez sinistre. Je débouchai sur une sorte de salle de conférence avec une table ronde en pierre au centre . Pour un peu, il ne manquait plus que le roi Arthur et ses chevaliers ! Il n'y avait pas âme qui vive. J'attendis quelques instants, toujours personne. Je pris la liberté de m'asseoir sur l'un des cinq fauteuils en cuir qui me tendaient les bras. Impertinente que j'étais !
Je venais à peine de poser mon popotin qu'un colosse blond se matérialisa sur le siège opposé.
- Que viens-tu faire ici Nora ? dit-il d'une voix caverneuse.
Je me redressai sur mon siège.
- A qui ai-je l'honneur ? pépiai-je.
- Ah oui c'est vrai, l'amnésique de service c'est toi ! Si Michel savait que tu te trouves dans son fauteuil, il ferait vilain.
Je fis un sourire timide.
- Pour ta gouverne, je suis Uriel, archange supérieur du Conseil. Je réitère donc ma question. Que veux-tu ?
- Parler à Métatron.
- On ne prononce jamais son nom sans y avoir été autorisé. C'est le bras droit du Big Boss et pour le commun des mortels et des autres anges, c'est M.
Et on ne dérange jamais M, c'est lui qui convoque, pas l'inverse. Repars d'où tu viens, s'il veut te voir, tu le sauras bien assez vite.
Je croisai les jambes et me mis en mode psy qui ne se laisse pas impressionner.
- Et vous pensez que j'ai fait tout ce chemin pour repartir sans l'avoir vu ?!
- Je te conseille de ne pas insister, tu pourrais y perdre tes ailes et finir au purgatoire. Demande à Sam, je suis sûr qu'il serait ravi de te raconter comment ça a chauffé pour son matricule.
Uriel posa ses grosses mains au-dessus de la table.
- Il n'est pas très bavard à ce sujet, il m'en parlera bien s'il le veut un jour ou l'autre.
- Quel est ton intérêt de venir provoquer M de la sorte ?
- Je ne suis pas venue le provoquer, je voudrais avoir des explications concernant ma mort, mon amnésie, mes 30 ans de vie terrienne sous surveillance pendant lesquels on m'a laissée dans l'ignorance. Et je sais que M est derrière tout cela. Ce que je voudrais savoir c'est pourquoi ?
- On t'a renvoyée sur Terre à cause de tes bons et loyaux services.
- Bah voyons ! A d'autres ! aboyai-je.
- Hum hum ... émit une voix.
Je me retournai sur mon siège et fis face à un grand brun bien bâti, mâchoire carrée et volontaire, il portait un survêtement de sport. Rien à voir avec la toge et les ailes blanches auxquelles on s'attend avec un archange.
- Raphaël, ne te mêle pas de ça ! tonna Uriel.
- Et pourquoi donc ? répondit calmement le nouvel arrivant.
- Ce ne sont pas tes affaires !
- Désolé, mais si ! Je me suis opposé à sa éviction sur Terre ! lâcha Raphaël.
Elle a le droit de savoir pourquoi vous l'avez fichu dehors.
J'étais assez décontenancée par le tour que prenait la conversation.
Je les interrompis.
- Alors pourquoi m'a-t-on ramenée en bas enfin ? insistai-je.
Raphaël posa un regard gentil sur moi.
- Très chère, ils t'ont virée par un vote à main levée à trois contre deux, parce que tu foutais le bordel dans le Conseil !
Je m'étranglai avec ma salive.
- Pardon ???
Uriel tapa du poing sur la table.
- Boucle-la Raphaël ! gronda Uriel.
- Bah quoi ? Tu ne vas pas dire que vous n'étiez pas en pétard, Michel, Gabriel et toi parce-que Nora était devenue la petite chouchou de M et qu'il voulait en faire une archange ?
Je comprenais de moins en moins l'histoire, j'étais sur le point de perdre le fil !
- Hop hop hop ! Pouce les gars ! m'écriai-je.
Uriel me lança un regard noir et Raphaël resta avec une phrase assassine pendue au bout des lèvres.
Je décidai de ne plus m'encombrer de circonvolutions.
- Écoutez-moi bien, ce n'est pas que je m'ennuie avec vous deux, notre discussion est d'ailleurs fort instructive, mais ce n'est pas vous que je suis venue voir. Où se trouve M ?
- Tu n'iras nulle part hormis au rez-de-chaussée pour repartir chez toi ! vociféra Uriel.
Le colosse blond s'était levé d'un bond, son fauteuil recula et alla s'encastrer dans le mur avec violence.
Et bien, ce n'était pas peace and love au royaume des cieux !
Raphaël lui barra le passage avant qu'il ne vienne me tordre le cou. Je demandais si l'homicide volontaire entre anges était puni par la loi divine ?!
- Ascenceur 7e niveau ! Dépêches-toi Nora, je vais le retenir autant que possible ! Cours !
Je pris mes jambes à mon cou et détalai comme un lapin. Et dire que j'étais un ange et que je ne savais même pas voler ! Fabuleux !
Par chance, la plateforme en verre trempée m'attendait bien sagement alors que je percevais des éclats de voix et des bruits de bagarre dans la salle du Conseil.
Raphaël avait raison sur un point, en un rien de temps, j'avais mis le bazar alors que je venais juste d'arriver.
- Septième  niveau, articulai-je toute essoufflée d'avoir couru.
L'ascension débuta et mon humour à la con de psy reprit le dessus. Septième niveau ... septième ciel ... euh ... Métatron serait -il l'archange des galipettes ??!!
Honte à toi Nora ! Tu ne respectes vraiment rien !!! 
A suivre ...










jeudi 26 juin 2014

Mise au point

Lorsque je m'éveillai le lendemain matin, j'avais un tel mal de crâne que je me demandais si un TGV n'avait pas traversé ma tête en long et en large. Je m'extirpai de mon lit et me rendis compte que je m'étais couchée toute habillée.
Note pour plus tard, la prochaine fois que j'aurai envie de prendre une cuite, me rappeler que je me retrouverai obligatoirement dans un état lamentable. Serait-ce suffisant pour arrêter le massacre ?
Je pris la direction de la douche, faillis marcher sur Winston au passage, d'ailleurs il déguerpit en crachant de mécontentement. Aucune trace de Sam ou de Vince. Je poussai un ouf de soulagement, j'avais besoin de remettre mes idées au clair, bien sûr il faudrait que la brume alcoolisée qui paralysait mes neurones se soit dissipée avant.
Des litres d'eau chaude sur le corps et trois tasses de café noir plus tard, ma vision semblait moins brouillée mais le tambourinement dans ma tête était toujours présent. J'ignorais pourquoi mais les révélations de la veille au soir me laissaient une impression étrange. Pourquoi aurais-je dû prendre pour argent comptant tout ce que Sam m'avait raconté ? D'accord, il était terriblement bien fichu et très convaincant mais je sentais bien que quelque chose m'échappait. Tout ne devait pas être aussi net que cela. Sam le bon et Vince le vilain méchant, tout cela sonnait comme un western du 17e siècle.
- Franchement tu y crois toi Win à cette fameuse nuit torride ? marmonnai-je toute seule le nez dans ma tasse. Si c'était si bien que ça, j'aurais dû m'en souvenir non ?!
Win me toisa d'un air de dire "si tu savais ce que je m'en fous ma pauvre, tout ce que j'attends c'est ma gamelle de croquettes !" Si même mon matou me lâchait, tout fichait vraiment le camp.
Vince ... il fallait que je lui parle en privé, cela devenait vraiment urgent.
J'enfilai mon coupe vent et partit pour l'arrêt de bus. Direction l'hôpital. Il tombait encore des cordes mais je m'en fichais, la pluie glacée faisait un bien fou à mon cerveau endolori. Je parcourus à grandes enjambées le service de neuro en long et en large. Vince n'était pas facile à trouver. J'interrogeai sa secrétaire qui m'informa qu'il était parti faire la tournée de ses patients avec un troupeau d'étudiants sur les talons. Bon sang, un troupeau d'internes, ça ne devait pas être si difficile à trouver non ? Après trente minutes de recherche et deux étages plus haut, à bout de souffle, je pénétrai dans une chambre où je me retrouvai nez à nez avec Vince et une meute de blouses blanches. Le docteur Mamour des neurones semblait terriblement abattu. Les yeux cernés, pas rasé, visiblement, il avait passé une nuit blanche à cogiter ou à ruminer. Des murmures et autres gloussements s'élevèrent dans la chambre.
Rouge de confusion, je lançai rapidement :
- Pardonnez moi de vous déranger Docteur Clark, mais il faudrait que je vous parle quelques instants.
- C'est urgent ? demanda-t-il froidement.
- Vital ou presque, rétorquai-je tout aussi sèchement.
- Bien, attendez moi dans le couloir, je vous retrouve dans cinq minutes.
Puis il se tourna à nouveau vers sa cohorte d'étudiants et fit comme s'il ne m'avait pas vue. La tension était palpable mais j'étais bien décidée à lui parler, alors je fis en sorte de garder mon calme. Un TGV, deux TGV, trois TGV ...douze TGV, oh punaise, ça n'allait donc pas s'arrêter de cogner dans mes tempes !
La porte s'ouvrit, la cohorte de blouses blanches se dissipa. Ne resta dans le couloir que Vince et moi. Il s'appuya au mur, croisa les bras et ferma les paupières.
- Je t'écoute. Qu'y a-t-il de si pressé que tu doives me déranger pendant mes consultations ?
Et bien quand il voulait, il savait vraiment mettre les gens à l'aise. Gloups !
- Comment vas-tu ?
C'était un début, il fallait bien commencer par quelque part.
- Mal, grogna-t-il. Question suivante !
- Bon, autant que j'aille droit au but puisque visiblement, tu n'as pas de temps à perdre avec moi.
Grincement de dents notoire.
Je poussai un soupir d'exaspération.
- Je voudrais savoir ce qu'il s'est passé exactement pour que je termine sur un bûcher. Sam m'a donné sa version, je voudrais la tienne.
- Tu es certaine que ça t'intéresse ? Maintenant que tu as retrouvé l'autre déplumé, je crois que les détails n'ont plus d'importance.
- Rhoooo mais c'est pas bientôt fini d'interpréter ce que je pense ou non ! Si c'est encore une façon de me culpabiliser pour un truc que je ne me rappelle même pas avoir fait, c'est inutile, ça ne marche pas. Comment pourrais-je me sentir coupable alors que je n'ai aucun souvenir de toi ou de lui ?
Vince souleva ses paupières et laissa entrevoir deux fentes vertes.
- Laisse moi deviner, je suis l'ordure qui t'a fait précipiter dans les flammes et lui l'ange qui s'est fait arracher les ailes par amour ? lança-t-il.
Je sentais que c'était le calme avant la tempête.
- En résumé c'est plus ou moins ça oui.
- Il a encore tout raconté à sa sauce comme d'habitude, il ferait n'importe quoi pour t'avoir et ça dure depuis 400 ans. A chaque fois tu tombes dans le panneau, tu es trop naïve Nora.
- Parfait, je vais te prouver que je suis moins idiote que j'en ai l'air. Je t'en foutrais de la naïveté moi ! Je te donne l'occasion de t'expliquer, j'ai tout mon temps, alors fais-le.
- A quoi est-ce que cela servirait ? Je parie que tu es tombée toute cuite dans ses bras hier soir.
- Cuite oui, mais dans ses bras non ! Ou alors la mémoire me faisait encore défaut !
- Tu as bu Nora ?? dit-il en ouvrant de grand yeux ronds.
- Bah oui ça t'étonne ?
- Et comment ! Tu ne tiens pas l'alcool, dans ce domaine, tu es une vraie fillette.
Et voilà, une fois de plus, j'étais prise en défaut. Il commençait sérieusement à me chauffer les oreilles Merlin.
- Si c'est pour être désagréable, ce n'est pas la peine. Garde ce que tu sais pour toi. Après tout le mal est fait, je m'en fiche.
Je tournai les talons et pris la direction de l'ascenseur.
En un clin d'oeil il m'avait dépassé et s'était retrouvé face à moi. Je n'eus pas le temps de protester, il avait déjà posé la main sur mon bras et nous nous étions téléportés dans les jardins de l'hôpital sous la pluie. Il claqua des doigts et nous abrita par une sorte de parapluie invisible.
- Bien. Ici nous serons à l'écart des oreilles indiscrètes.
- Parfait, alors je t'écoute, m'impatientai-je.
- Durant cette fameuse nuit, je vous ai vu vous embrasser. Je suis parti avant d'en voir davantage. Van Helsing est ensuite venu me trouver et confirma mes craintes en me disant que ce n'était pas la première nuit que vous aviez passée ensemble. De désespoir, je l'ai cru. Il m'a demandé ce que je souhaitais faire de vous deux. J'ai dit que je voulais que Sam disparaisse et j'ai ajouté que je ne voulais pas qu'on te fasse de mal. Il m'a assuré qu'il ne t'arriverait rien, sauf que j'ignorais que Métatron était derrière tout cela. Quoique j'ai pu décider, ton sort était déjà scellé. Tu as été brûlée sur un bûcher parce que Sam a désobéi à ses supérieurs.
- Mais enfin pourquoi Van Helsing est venu te trouver ? Qu'aviez-vous à voir ensemble ?
- Disons qu'à une certaine époque, nous étions plus ou moins en affaire ensemble et que je lui ai rendus quelques petits services. C'était bien avant qu'il soit dans les bonnes grâces de Métatron. Depuis le drame, je l'ai soigneusement évité comme la peste. Maintenant qu'il a obtenu l'immortalité, il se permet tout et n'importe quoi.
- Un chose m'échappe. Comment as-tu pu croire que je t'avais trompé sans avoir été me poser la question directement ? Si ça se trouve, je n'ai même pas couché avec Sam. Je ne me souviens de rien. Un journal, ça peut se trafiquer non ?
Tu as tout pris pour argent comptant sans sourciller.
- Votre baiser torride, je ne l'ai pas inventé quand même ! gronda-t-il.
- Et ça méritait d'envoyer Sam se faire arracher les ailes ?
Vince serra les poings de rage.
- Si c'était à refaire, je l'enverrais moi-même en enfer. Ce type est un égoïste fini, il n'a aucun sens du devoir, c'est un profiteur, un menteur et ... un assassin !
- Un assassin ? m'écriai-je.
- Tu es morte à cause de son égoïsme. S'il avait pensé un peu plus haut que sa ceinture et à sa fonction de gardien, il ne te serait rien arrivé. Et tu te serais mariée avec moi ! fulmina-t-il.
- J'aurais pu changer d'avis et finalement te laisser tomber sans pour autant être avec Sam. Y as-tu déjà réfléchi ?
Vince prit quelques secondes avant de répondre.
- Non, j'étais persuadé que tu m'aimais assez pour rester avec moi.
Je pointai le doigt vers son torse.
- Voilà le gros problème. Que ce soit Sam ou toi, vous pensez savoir tout ce qui se passe dans ma tête, mais en fait, vous ne savez rien du tout. Vous croyez sincèrement qu'en 400 ans, je n'ai pas évolué ? Que je suis toujours cette petite chose toute faible et naïve de 1670 ? Vous n'êtes qu'une bande de machos !
Je vous déteste !!!
J'étais hors de moi. Et bam, la gifle partit toute seule et alla claquer allégrement la mâchoire de Vince. Ses prunelles lancèrent des éclairs.
- C'est bon tu t'es bien défoulée ? dit-il en se tenant la joue.
- Pas encore assez si tu veux mon avis !
Le sang battait dans mes tempes. J'étais prête à en découdre, il ne me faisait pas peur le blondinet avec sa carrure d'athlète.
- Eh bien vas-y, frappe, je ne me défendrai pas. Je ne frappe jamais les femmes moi !
Il croisa les bras, en attendant que je donne l'assaut.
- Non tu t'attaques juste aux anges ! éructai-je. Parait que j'en suis un alors, lâches-toi. Je parie que tu attends de régler tes comptes depuis quatre siècles. Alors arrête de me le jouer gentleman. Tu m'en veux autant qu'à Sam, pas vrai ?!
- Je t'en veux pour ta naïveté mais c'est surtout à moi que j'en veux, j'aurais dû mieux veiller sur toi, être plus tendre et affectueux que je l'ai été. J'aurais dû faire comprendre à Sam qu'il n'y avait pas de place pour lui même s'il t'avait sauvé d'une agression. J'aurais dû faire la peau à Van Helsing avant qu'il obtienne l'immortalité. J'ai été nul sur toute la ligne, c'est bien cela que tu voulais entendre  ?
Même s'il ne l'avait pas prononcé tout haut, ses yeux sous-entendaient "je t'aime toujours autant" ce qui me tordit les tripes mais je ne devais absolument rien lui montrer.
Je me contentai de hausser les épaules d'indifférence. Je n'avais que faire de ses regrets car il me manquait 400 ans de mémoire pour prendre la réelle mesure des évènements. J'embrayai donc sur le traître de service.
- Mais enfin pourquoi Van Helsing a-t-il obtenu l'immortalité ?
- Tout simplement parce qu'il a réussi à prendre un ange en faute. C'est le chien de garde de Métatron, il fait le sale boulot sur Terre pour son patron. Métatron est l'archange le plus inflexible et le plus tordu dont j'ai entendu parler. S'il pouvait supprimer les quatre autres qui bossent au Conseil des cinq avec lui, il le ferait sans hésiter. Selon les rumeurs, s'il pouvait aussi évincer le Big Boss, il ne se gênerait pas pour le faire. Cela dit il n'a jamais rien tenté en ce sens jusqu'à présent.
- Hum ... c'est charmant !
- Oui je trouve aussi, admit Vince.
La tension était redescendue d'un cran.
- Je te remercie pour ta franchise. Au moins maintenant, j'ai une idée d'ensemble de ce qui s'est passé, même si je sais pertinemment que vous me cachez encore quelques détails croustillants Sam et toi. Je ne suis pas idiote au point de ne pas m'en rendre compte.
- Nous ferons tout pour te protéger Nora, c'est bien la seule chose sur laquelle nous soyons d'accord lui et moi.
- Mais me protéger de qui voyons ? m'exaspérai-je.
- De tes supérieurs célestes bon sang ! Tu crois quoi ? Les vacances sur Terre sont bientôt finies, tu vas avoir des comptes à rendre.
- Honnêtement, ce serait déjà pas mal de mettre de l'ordre dans ma vie terrestre avant de remonter là haut me faire réprimander comme une gamine.
- En effet, ce serait bien. Désolé de te brusquer, dit-il en me fixant du regard, mais il serait opportun que tu prennes une décision rapide en ce qui nous concerne.
- Pardon ??? dis-je interloquée.
- Maintenant que Sam et moi t'avons retrouvée, tu ne penses tout de même pas qu'on va faire ménage à trois. Tu dois choisir entre nous deux pour de bon.
Je plissai les yeux de mécontentement, on aurait dit Win les jours où je lui marchais sur la queue sans le faire exprès.
- Mettons les choses au clair tout de suite mon vieux. Tu as beau être séduisant, détenir plein de pouvoirs et un sourire d'ange, il n'en reste pas moins que nous sommes au 21e siècle et que tu n'es pas le seul homme susceptible de me plaire.
Et cela vaut pour Sam aussi. Non mais je rêve, comme si tout leur était dû !

Raclement de gorge, grondement de poitrine sourd. Je tournai la tête et compris que Sam avait profité de la conversation un bon moment, puisque sa crinière brune dégoulinait de pluie. Il avait le regard des mauvais jours. C'est malin avec le bouclier anti-pluie de Vince, je ne l'avais même pas entendu arriver. Par contre, Vince lui ne fut pas surpris, il savait et il n'avait rien dit.
Encore une provocation supplémentaire à la liste déjà longue de leurs différends.
Sam se décida enfin à ouvrir la bouche.
- Nora Chester, tu as si peu confiance en moi qu'il faut que tu ailles vérifier ce que je t'ai raconté auprès de ce crétin de Merlin ?
- D'une, c'est loin d'être un crétin. De deux, je n'ai aucune confiance en vous deux. Vous passez votre temps à me donner des versions édulcorées qui m'agacent prodigieusement. Vous ne pensez qu'à obtenir mes faveurs.
- Et pour nous punir comme des gamins, tu comptes n'en faire qu'à ta tête ? ajouta-t-il les bras croisés.
- Il y a des chances que oui, répondis-je avec une sourire narquois.
- Donc tu vas nous faire ramer jusqu'à ce que l'un de nous cède ? Tu sais que ça n'arrivera jamais. Tu es la seule à pouvoir trancher.
Je tournai la tête vers le ciel et revins vers mes interlocuteurs.
- C'est même pire, j'en ai tellement marre de vos bagarres d'ados en rut, que j'ai dans l'idée de vous planter là tous les deux, pour voir si l'air est plus frais là haut !
- Tu es dingue Nora ! s'écria Vince.
- Ne commets pas cette erreur, attends d'être convoquée. On ne dérange pas le Conseil sans une bonne raison, surenchérit Sam.
- Mais d'excellentes raisons, j'en ai des quantités !
- Tu préfères te jeter dans la gueule du loup toute seule plutôt que de nous avoir en soutien.
- C'est l'idée oui, répondis-je en hochant la tête.
- Ma beauté, tu es incapable de choisir entre Vince et moi, alors tu fuis. C'est totalement immature.
- Peut-être bien ... il y a déjà eu assez de dégâts comme cela, alors pour le moment, ce sera un statu quo. Et puis j'ai une terrible envie de voir la tête de Métatron !
Sam se tourna vers Vince.
- T'as raison blondinet, elle est complètement barge !
Sam m'attrapa par les épaules et me secoua comme un prunier.
- Personne n'a jamais vu la tête de Métatron, c'est une éminence grise qui fonctionne en sous-marin. Ne va pas le provoquer inutilement, tu n'en sortirais pas vivante.
- Pfff ... de toute façon, je suis déjà morte en 1670 alors, ça ne change plus grand chose pour moi.
- Nora, une fois que tu seras remontée là haut, même le déplumé ne pourra rien faire pour toi. Tu en as conscience au moins ? insista Vince.
Les yeux de Sam lancèrent des éclairs, il avait horreur qu'on le traite de déplumé.
- Je sais tout cela. Vous êtes gentils de vous inquiéter tous les deux mais ma décision est prise.
- Tu sais que tu ne redescendras peut-être plus jamais ? grogna Sam.
- C'est le risque en effet mais j'ai confiance.
- Inconsciente va ! tempêta le déchu.
- J'adore quand tu me fais des compliments Sam ! ironisai-je.
Bon je ne vous embrasse pas, je ne voudrais pas faire de jaloux. J'y vais, je tâcherai de vous faire passer des nouvelles par ma fausse mère Lila.
Vince, je compte sur toi pour t'occuper de Winston en mon absence. Sam, prends soin de toi. Je vous interdis de vous battre à nouveau à cause de moi, compris ?
Pour toute réponse, j'eus droit à deux grognements qui voulaient plus ou moins dire "mais bien sûr dans tes rêves ma belle !"
Je quittai le bouclier anti-pluie et traversai le jardin de l'hôpital à grandes foulées sous la pluie. Je ne me retournai pas pour les voir une dernière fois. Je les entendais déjà se disputer à mon sujet. Je gardai seulement en mémoire l'odeur du vétiver mêlée à l'eau qui rend marteau. Étrange mélange qui me suivrait où que j'aille par la suite.

A suivre ...










samedi 29 mars 2014

Révélations (3)

Dommage que je n'avais pas demandé à Vince de réparer les dégâts de l'appartement avant qu'il ne s'éclipse. Pour lui c'était facile, il claquait des doigts et tout était remis en ordre comme par enchantement.
Sam refusa que je le conduise à l'hôpital pour ses côtes cassées et son arcade, il m'assura que d'ici 24h plus rien n'y paraîtrait. J'étais sceptique mais n'insistai pas.
Du coup, je décidai de ranger au mieux le salon pendant qu'il se reposait sur mon lit un moment. J'en profitai aussi pour préparer quelque chose à grignoter. Un peu de rôti froid et une salade composée feraient bien l'affaire. Moi qui ne buvais jamais habituellement, je me servis un remontant bien tassé. Un de mes profs de fac disait toujours qu'un verre de rhum tuait les microbes et les soucis au moins pour 24h ! Je vérifiai donc sa théorie. C'était bon ce machin mais je savais que ça finirait pas m'arracher les boyaux tôt ou tard ! A vrai dire je m'en fichais comme d'une guigne, ma vie n'avait plus aucun sens de toute manière. Plus de mère, plus de souvenirs, un boulot d'ange dont je ne me rappelais absolument rien, un fiancé meurtri à cause de moi et un déchu sexy dans mon lit qui attendait de remettre le couvert depuis 400 ans ! Tout cela représentait un trop lourd fardeau pour une seule psy moi je vous le dis !
L'alcool aidant et comme à chaque fois que je pétais une durite, je mis la musique à fond dans le salon et commençai à m'agiter dans tous les sens pour me défouler. Il devait bien y avoir une réponse à tous mes problèmes, même la chanson sur laquelle je me déhanchais le disait "There's an answer".
Je sautais de partout, jouais au foot avec les coussins du canapé, de toute façon, il y avait déjà tellement de bazar ici qu'un peu de plus ou un peu moins n'aurait rien changé du tout. Les larmes me montèrent aux yeux et vinrent déborder, je me faisais l'effet d'une bête de foire. Tout le monde savait ce qui m'était arrivée, sauf moi ! J'avais envie de tous leur tordre le cou. J'avais honte du comportement que j'étais censée avoir eu en 1680, me fiancer avec un sorcier et coucher avec un déchu, il fallait être rudement gonflée. Pauvre Vince, j'avais été monstrueuse avec lui, comment pouvait-il continuer à m'aimer pour autant ? Je ne comprenais pas.
Je n'avais pas entendu Sam s'approcher de moi, je ne me rendis compte de sa présence que lorsqu'il ceintura ma taille avec ses deux grands bras puissants.
- Alors ma beauté, on commence les festivités sans moi ?
Sam me fit pivoter de façon à ce que je me retrouve face à lui. Il se rendit alors compte aux grandes coulures de mascara que j'étais plus proche du bal des vampires que de fêter nos retrouvailles. Il souleva mon menton de son index pour m'obliger à le regarder. Il comprit alors dans quelle détresse je me trouvais lorsque je me blottis contre ses côtes cassées et que je me mis à déverser un torrent de larmes au moins aussi puissant que les chutes du Niagara !
La psy qui craquait mais c'était le monde à l'envers ! Cela dit les psy sont des humains comme les autres enfin c'est que disait mon prof de fac ... Le problème c'est que je n'étais même plus humaine, j'étais un ange. Et est-ce que les anges étaient habilités à faire des dépressions nerveuses ?! Je n'en savais fichtrement rien !
-
Nora, vas-tu me dire pourquoi mon T-shirt est actuellement en train de te servir de kleenex ?! dit-il gentiment en me caressant les cheveux.
- Je ne sais même plus qui je suis, répondis-je tout en reniflant contre lui.
- Mmm je vois ... Bon, je vais tâcher d'éclairer un peu plus ta lanterne sur quelques zones d'ombre, peut-être que ça t'aidera.
Sam s'installa avec précautions dans le canapé éventré, il grimaça avec ses côtes qui le rappelaient à l'ordre. Il tapota le coussin afin que je vienne m'asseoir et me caler contre lui.
- As-tu deviné pourquoi je m'étais absenté de longues semaines après que tu sois tombée malade pendant l'hiver 1680 ?
- Non, mon journal ne mentionne rien à ce sujet de toute façon.
- Et bien, j'avais été convoqué par le Conseil des Cinq pour rendre des comptes sur mon activité auprès de toi.
- Comment ça se fait ? Je croyais que tu bossais pour le grand cornu !
- Ma beauté, il faut vraiment tout t'expliquer. Je n'étais pas un déchu au moment où je t'ai connue en 1679.
J'ouvris de grands yeux ronds.
- J'étais ton ange gardien ma jolie. Et quand les hautes autorités se rendent compte qu'un gardien se rapproche un peu trop de l'humaine sur laquelle il est censé veiller, il y a un rappel à l'ordre et éloignement temporaire.
- Tu étais mon ange gardien ?! J'hallucine, toi un gardien ?! Mais avec ta dégaine de bad boy, je n'aurais jamais cru que tu travaillais pour ... pour .... Dieu !
C'est criminel d'envoyer pareille tentation sur Terre !
- Je pourrais te retourner le compliment ! C'était criminel de me regarder avec tes yeux de biche innocente et aaaaaaaaaahhhhhhhhhhh ... tu m'as fait perdre tout professionnalisme !
- Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
- Bah quoi ?! C'est vrai tu m'as mis dans un tel état que j'ai laissé en plan tous les autres humains à qui je devais assistance. Bref, le Big Boss et les cinq n'ont pas du tout apprécié, ils m'ont fait la leçon et bourrage de crâne en passant par la mauvaise conscience. J'avais été prévenu que si je t'approchais à nouveau, j'aurais de gros ennuis. Mais je n'ai pas pu résister bien longtemps, il fallait absolument que je te revois au moins une fois. Sauf que je n'ai pas pu me résoudre à te laisser vivre ta vie avec Vince. J'ai été très égoïste et je l'ai payé chèrement ensuite.
Sam se tût quelques instants. J'étais suspendue à ses lèvres, attendant impatiemment qu'il me raconte la suite.
-La nuit que nous avons passé ensemble a été la plus merveilleuse de toute mon existence et Dieu sait si je ne suis pas de la première jeunesse !
- Tu as quel âge d'ailleurs ?
- Plusieurs siècles et beaucoup de poussières ! Hum !
Je ne pus réprimer un éclat de rire.
- Bref, notre ami Van Helsing travaillait déjà comme informateur pour l'ange Métatron, le plus influent du Conseil des Cinq, qui en échange de ses bons et loyaux services, lui avait promis l'immortalité.
- Le Méta quoi ?
- Métatron ! Tu n'as pas encore lu Anges et Démons pour les Nuls, je devrais te botter les fesses pour ne pas avoir fait tes devoirs correctement ! Je te reparlerai de lui plus tard.
Durant la fameuse nuit que nous avons passé ensemble, Vince nous a surpris. De rage et de désespoir, il est allé nous dénoncer à Van Helsing. Il savait ce que j'encourais comme risque et il savait également que tu périrais si tu étais accusée de sorcellerie. Il préférait te savoir morte que d'être entre mes mains, tout ce qui lui importait c'était de me détruire. En échange de sa dénonciation, Van Helsing lui assura qu'il intercèderait en ta faveur et que tu pourrais revenir d'entre les morts d'une manière ou d'une autre.
- Si je suis devenue un ange c'est grâce à Van Helsing et à Vince ??
- Il faudrait plutôt dire merci au Métatron et à sa clique en ce qui te concerne.
Quant à moi, on m'a passé les menottes célestes et obligé à assister à ton exécution. J'ignorais qu'on te donnerait l'immortalité par la suite. Je suis passé en jugement devant le Big Boss et le Conseil, tous ont décidé de m'arracher les ailes. C'est donc à partir de ce moment que je suis devenu un déchu. Mais je ne travaille pas essentiellement pour le grand cornu comme tu l'appelles, disons plutôt que je suis en free lance maintenant !
Mon sort est donc scellé mais le tien est encore à déterminer. Imagines-toi bien que si le Conseil apprend qu'un de ses anges, Toi, fricote avec un déchu, Moi, ce qui représente une circonstance aggravante aux vues des évènements passés, tu vas entendre parler du pays. Et tu pourrais finir dans les limbes !
- Sam ?
- Oui ma beauté ?
- Est-ce que je suis dans une panade monstre ?! déglutis-je péniblement.
- Je crains que oui !

A suivre ...









vendredi 28 mars 2014

Sam VS Vince (Round 2)

J'ignorais par où commencer mais Vince ne sortirait pas d'ici sans m'avoir fourni un complément d'informations utiles.
Il me lança son regard vert magnétique mais je voyais bien qu'il n'était pas aussi à l'aise qu'il voulait le laisser paraître.
- Que se passe-t-il ? dit-il innocemment en enlevant son blouson.
- Ce qui se passe ? Ce qui se passe ? Le ciel vient de me tomber sur la tête et je pourrais boire un litre entier d'huile essentielle de lavande que ça ne calmerait pas mes nerfs pour autant !! aboyai-je.
- Inutile de s'intoxiquer, je vous préfère vivante et furax. Comment pourrais-je encore tenter de vous séduire si vous mourez pour une bêtise ?!
- Ah ah ! Très drôle, vous avez un humour débordant mais figurez vous que je viens d'apprendre que je suis déjà morte il y a environ 400 ans alors, ça ne change plus grand-chose pour moi !
Vince se racla la gorge avant de se laisser tomber dans le fauteuil de Winston. Tant pis pour lui, il aurait plein de poils gris collés sur l'arrière de son jean noir !
- Mmm, je vois que la vérité commence à ressurgir. Des souvenirs vous reviennent ?
- Mis à part le moment où je rêve que des flammes viennent me lécher les pieds et où je meurs en suffoquant, non, j'ai tout appris en jouant à Colombo avec ce fichu carnet et ma fausse mère m'a lâché des infos de premier choix. Mais j'attends votre confirmation des faits.
J'étais restée debout et je le toisais avec mon air des mauvais jours.
Vince poussa un soupir à fendre l'âme. Chouette il allait se mettre à table !
- Que voulez-vous savoir au juste ?
- Tout bon sang ! Vous allez jouer encore combien de temps avec mes nerfs dites moi ?!
- En 1680, vous êtes morte à cause de Sam et de moi. Vous étiez très indécise en ce qui nous concernait tous les deux, impossible de savoir avec qui vous alliez finir. Pendant un temps, j'ai cru que vous me choisiriez et puis tout a été remis en question quand l'autre déplumé est revenu de nulle part. Vous ne saviez plus où vous en étiez.
- Oui c'est ce que j'ai cru comprendre en lisant mon journal.
Il leva un regard mélancolique vers moi.
- Nora, s'il y a bien quelque chose que je dois vous avouer en dépit de mes défauts et de mes erreurs, je vous ai toujours aimée, depuis le début.
Ce qu'il me dit me toucha profondément mais je décidai de ne rien laisser transparaître.
- Vous aviez une bien curieuse façon de le montrer.
- Il est vrai qu'à l'époque, j'étais beaucoup plus introverti et bourru que maintenant. Il n'en reste pas moins que mes sentiments étaient sincères et qu'ils le sont toujours.
Je pris une longue inspiration avant de poursuivre mon interrogatoire. Avec tout son étalage de bons sentiments, il allait me couper dans mon élan. C'était peut-être le but recherché ! Attaque dans le vif du sujet Nora, te laisse pas faire !
-
Qui m'a vendue à Van Helsing ?
- Je ne vous le dirais pas tout de suite parce-que ça fausserait votre jugement.
- Vous vous protégez ou vous protégez Sam ?
- Je n'ai que faire du déchu ! Il est mon ennemi, il n'y a que pour vous que je supporte sa présence.
- Alors crachez le morceau ! dis-je pleine de rage.
Vince se leva du fauteuil pour me faire face. Il prit mes mains dans les siennes.
- Nora, vous ... tu avais promis de m'épouser avant que Sam ne revienne.
- Quoi ???
- Oui c'est la vérité et puis quand il est réapparu, tout a changé.
Vince caressa ma joue droite avec une infinie douceur.
Alors là je ne m'y attendais pas à celle-là !
-
Tes yeux brillaient comme jamais en sa présence, pas une fois tu ne m'avais regardé comme ça, pas comme lui.
Je déglutis avec difficulté, je voyais quelle peine j'avais pu lui faire.
- Et donc que s'est-il passé ensuite ?
Pour toute réponse, Vince sortit de sa poche la page manquante du journal qu'il me tendit.
- Tu devrais lire ça et on en reparle plus tard. Mais garde à l'esprit que quoiqu'il se soit passé, je n'ai jamais cessé de t'aimer.
Je regardais la page comme si elle allait me brûler les doigts. C'était terrible de ne pas me souvenir de ce que j'avais fait 400 ans plus tôt !
Sam en profita pour réapparaître.
- Alors Merlin, on a toujours pas le courage de ses actes ?! lança-t-il avec un air de triomphe.
- Toi le déplumé, je t'ai pas sonné ! Si tu avais respecté les règles de ton patron, on en serait pas là ! grogna Vince.
- Sttttooooopppppp ! hurlai-je. Personne ne quittera cette pièce avant que je ne sache tout !
- Désolé Nora, mais je ne resterai pas dans le même espace que le mec avec qui tu as couché alors que nous étions fiancés ! Merde !
- C'est ça dégage espèce de lâche ! cracha Sam par-dessus mon épaule.

Soudain, Vince me poussa sur le côté et fonça sur Sam. Tout y passa, coups de poing, coups de pied, prises de judo, à croire que mon salon s'était transformé en ring de boxe ou en tatami. Pas moyen de savoir qui allait remporter le combat, ils semblaient aussi forts l'un que l'autre. Tout un tas de noms d'oiseau fusèrent durant leur corps à corps. J'étais totalement impuissante face à leur furie.
Bilan des opérations au bout de 15 minutes de pugilat : un canapé éventré, deux lampes brisées, un chat mort de trouille, un sorcier avec un oeil au beurre noir et la lèvre fendue, ainsi qu'un déchu avec deux côtes cassées au moins et l'arcade sourcilière ouverte. Moi je dis ça aurait pu être pire !
Heureusement que les immortels cicatrisent plus vite que le commun des mortels.
- C'est pas bientôt fini vos âneries ! Vous vous conduisez comme de sales gamins. Maintenant balancez-moi tout ce que j'ignore encore ou je vous achève ! dis-je en brandissant une poêle Téfal que j'avais été récupérer à la cuisine pendant la bataille.
Tous deux me jaugèrent, puis éclatèrent de rire. Je devais avoir l'air totalement ridicule avec ma poêle mais je n'avais vraiment pas envie de me marrer avec eux.
De toute façon, la bonne humeur ne dura pas longtemps, rien qu'à voir leurs têtes, je devinais sans peine qu'ils avaient envie de se mettre une nouvelle raclée.
- Nora, je veux bien tout t'expliquer mais fait d'abord partir le blondinet morveux de chez toi ! dit Sam.
- Ca tombe bien je m'en vais, je reviendrai quand tu te seras envolé espèce de déplumé ! rétorqua Vince dont la lèvre inférieure dégoulinait de sang.
Il claqua des doigts et s'évanouit dans les airs.
Quant à Sam, il se tenait les côtes et avait visiblement du mal à respirer normalement.
- Tu m'aides à me relever mon ange ? demanda-t-il avec un regard implorant.
Comme si ce grand dadet ne pouvait pas se dépatouiller tout seul, j'étais certaine qu'il avait déjà combattu une horde céleste à lui tout seul. C'était du chiqué tout ça ! Mais bonne poire, je déposai mon arme fatale sur le canapé et lui tendit la main. Quand il fut debout, je lui balançai une gifle mémorable. Putain que ça faisait mal, mais ça m'avait soulagée !
- Celle-là c'est pour m'avoir menti depuis le début !
Sam ne put réprimer un sourire.
- J'adore quand tu fais ta rebelle ! Enfin je te retrouve ! dit-il en prenant mon visage en étau entre ses grandes mains.
Ses prunelles noires brillaient d'une nouvelle intensité que je ne lui connaissais pas. Puis il me serra si fort dans ses bras que je crus en perdre la respiration !
Il me serrait comme un dément qui avait peur que je me sauve dans la seconde qui allait suivre.
- Bon alors ces aveux, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? demandai-je quand il me relâcha enfin.
- Pour dans 5 minutes !
- Hein ?
- J'ai d'abord un truc à faire !
- Quoi encore ??? grommelai-je d'impatience.
- Juste ça ! J'attends ce moment depuis 400 ans, je n'attendrai pas une minute de plus.
Il passa une main derrière ma nuque et m'embrassa comme un possédé. Il fallait bien admettre que ce baiser venait de me faire quitter le sol. Bon en même temps pour un ange c'était facile de décoller de la terre ferme ! Ah ah !
Il s'arrêta un instant pour que nous puissions reprendre notre souffle.
- Alors ? dit-il.
- Quoi ? C'était un baiser fantastique si c'est ce que tu veux me faire dire !
- Et c'est tout ? insista Sam.
- Euh ... oui pourquoi il devrait y avoir autre chose ?
Il m'inquiétait tout d'un coup.
- Rien ne te revient en mémoire, tu en es certaine ?
- Non pourquoi ça devrait ?!
- Oui avec ce seul baiser, tu serais censée retrouver les souvenirs qui t'ont été effacés et visiblement là ce n'est pas le cas.
Sam leva un sourcil sceptique.
- Et c'est grave à ce point ? demandai-je naïvement.
- Très, ça veut dire que le Conseil des Cinq a trop bien fait son boulot et que ton cerveau est comme un disque dur vierge, tu ne te rappelles même pas de ta condition d'ange, je parie ?
- Absolument pas !
- Et bien ils ne vont pas se marrer là-haut. J'ai effectivement intérêt à te faire un briefing poussé avant que tu ne sois appelée par le Big Boss et jetée dans la fosse aux lions.
Je sentais une douleur épouvantable affluer dans mon crâne, mon estomac faisait des noeuds.
- Ah parce-qu'en plus on va me demander des comptes ?! m'écriai-je.
- J'en ai bien peur. Autant le vieux est sympa, autant les cinq qui lui servent d'adjoints sont redoutables.
- Ils sont si horribles que ça ?
- Pire, ils ne transigent pas avec les règles. Il n'y a qu'à voir ce qu'ils ont fait de moi il y a 400 ans. Ils sont impitoyables, inflexibles et ils peuvent te réduire à néant comme bon leur semble.
Cela dit, ils attendront bien demain. Ce soir, je t'ai pour moi tout seul et je compte bien en profiter, dit-il avec un clin d'oeil ravageur.
- Sauf que tu oublies un détail mon ptit vieux, comme je ne me souviens de rien, il va aussi falloir repartir de zéro et me reconquérir. Je ne vais pas te tomber toute cuite dans les bras.
Sam éclata de rire.
- A mon avis, la tâche n'est pas insurmontable !
- Que tu crois ! Commence déjà par te couper les cheveux !

A suivre ...







jeudi 27 mars 2014

La fausse mère

Je sortis de ma chambre au pas de charge dans un état de furie indescriptible.
Même Winston déguerpit en me voyant débouler dans le salon. La supposée Margaret Chester me regardait comme si j'allais l'étriper mais elle ne perdit pas pour autant son calme.
- Qui êtes-vous ? articulai-je méchamment.
- Comment ça qui je suis ? Tu perds la tête ma chérie ! dit-elle.
Je croisai les bras en signe d'impatience, je n'étais pas prête à me laisser embobiner cette fois.
- Arrêtez vos simagrées, j'ai compris que vous n'étiez pas ma mère. Ce carnet le prouve, éructai-je en brandissant le journal que j'avais dans la main.
Margaret leva un sourcil inquisiteur, elle gardait les lèvres pincées. Au bout de quelques secondes de tension extrême, elle finit par pousser un énorme soupir.
- Bien, je vois qu'il est inutile de jouer la comédie plus longtemps, vous commencer à retrouver vos esprits. Il était temps !
- Pardon ?? Je retrouve mes esprits, mais que suis-je donc censée comprendre et puis qui êtes vous bon sang de bonsoir ?!
Ma fausse mère prit quelques instants de réflexion et se décida à me lâcher quelques bribes de vérités.
- Je ne suis pas votre mère.
- Ouais bein ça merci, je viens de me le prendre dans les gencives. Apprenez moi quelque chose que j'ignore.
- Je ne suis pas habilitée à tout vous dire.
- Fabuleux ! Et qu'est-ce que j'ai le droit de savoir ? m'énervai-je.
- Tout d'abord sachez que je suis votre gardienne provisoire.
- Ma quoi ??
- Votre gardienne provisoire, je joue à la nounou avec vous depuis près de 30 ans et honnêtement la tâche n'a vraiment pas été passionnante tous les jours croyez moi !
- Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par gardienne provisoire ?
Margaret leva les yeux au ciel en signe d'agacement.
- Rhooo vous comprenez vite mais il faut vous expliquer longtemps à vous !
Je suis votre ange gardien provisoire depuis que vous êtes revenue sur Terre. Et si vous voulez mon avis, votre nouvelle expérience d'humaine est un vrai désastre, vous n'avez vraiment pas fait mieux que la première fois. Votre dossier terrestre est nul à chier excusez-moi de vous le dire. Et de surcroît, vous traînez avec les mêmes créatures qu'avant qu'on vous envoie brûler ! Franchement, vous n'avez vraiment pas compris le but de l'opération. Vous êtes en train de réduire en miettes votre deuxième chance.
J'en restai interloquée !
- Et puisque vous semblez aussi bien vous entendre avec les non-humains, le Grand Patron va vous refiler le poste qu'il voulait déjà vous donner, il y a 30 ans ma ptite dame ! Remarquez, ça ne changera pas grand-chose à votre quotidien, vous faisiez déjà le boulot sans le savoir.
- Attendez deux minutes, mais de quoi est-ce que vous parlez ?? C'est qui le big boss ??
Ma fausse mère lâcha un soupir à fendre l'âme, vida sa tasse de thé d'un trait et me fixa attentivement.
- Écoutez Nora, je vous aime bien mais là il va falloir faire un effort. Je sais bien que le Conseil des cinq a décidé de vous effacer la mémoire avant de vous renvoyer sur Terre mais là, permettez moi de vous le dire, vous patinez dans la semoule !
- Attendez que je m'asseye deux minutes, il faut que mes neurones se mettent en route !
Qu'est-ce qu'elle me racontait ? J'avais l'impression de naviguer en plein délire.
- Vous devriez peut-être tenter l'hypnose ! Parait que ça fonctionne pour se souvenir des choses ?! dit-elle ironique.
- Je voudrais bien mais je ne peux pas la pratiquer sur moi-même.
- Demandez au sorcier, il saura sûrement faire ça puisqu'il est neurologue, ça ne devrait pas être trop compliqué pour lui !
- Oui bein excusez-moi Maggie mais je n'ai pas que ça à faire !
- Maggie ?! Pffff ... Pour votre gouverne, sachez que je m'appelle Lila mais bon si vous y tenez je préfère encore Maggie parce-que maman ... beurk !
- Peu m'importe comment vous vous appelez, je veux tout savoir.
- Bon alors pour résumer, à cause de vos fréquentations douteuses, forcément si vous aviez choisi le bon gars, vous ne seriez pas morte sur un bûcher. Mais comme ce n'était pas vous que la punition visait principalement, le Grand Patron, dit-elle en pointant l'index vers le plafond, a décidé de vous donner une paire d'ailes blanches.
Je mis quelques secondes à digérer l'information.
- Lila, vous n'êtes quand même pas en train de me dire que je suis un ange ???
- Alleluia ! Elle a de nouveau le cerveau qui carbure ! Bien sûr que si espèce de grande bécasse, et comme là haut vous étiez un ange qui bossait bien, pour vous faire une petite faveur, le Grand Patron, vous a laissé quelques années sur Terre pour retenter l'expérience de la vie humaine. Mais là, vous avez échouez lamentablement.
- Et pourquoi donc ?? m'écriai-je.
- Vous fricotez avec un sorcier et un déchu, vous croyez que c'est du goût de tout le monde là-haut ??!!
- Non mais dites donc, vous n'étiez pas terrible comme mère et je ne vous ai jamais fait de réflexions désagréables, alors abstenez vous de critiquer ma vie sentimentale !
- Je ne critique rien, je constate c'est tout !
- Bon, je vous en ai déjà bien assez dit sinon le Conseil va me virer !
- Ce ne serait pas une grosse perte, grinçai-je.
Lila me lança un regard noir.
- Ils vous contacteront bientôt et croyez-moi, vous allez devoir rendre des comptes. Vous n'étiez pas censée revoir les deux autres zigotos, tant pis pour vous !
Elle claqua des doigts et se volatilisa.
A ce moment là, Vince en profita pour se matérialiser dans le salon.
- Ah vous tombez bien vous ! J'ai deux mots à vous dire ! grondai-je.


A suivre ...

mardi 25 mars 2014

Révélations (2)

Je sortis de la salle de bain dans un état plus que second. Le vétiver m'avait complètement shootée à moins que ce ne soit le massage de Sam qui m'ait carrément mis la tête à l'envers. Toujours est-il que j'étais plongée dans le flou artistique le plus total. J'avais à la fois trop et pas assez d'éléments en ma possession. Je décidai de reprendre le carnet depuis le début, pas une ligne n'échappa à mon analyse. Même en essayant de lire entre les lignes, je ne voyais pas où les choses clochaient. Je m'étais convaincue que l'élément clé résidait dans la page qui avait été arrachée. J'aurais dû soutirer cette feuille à Van Helsing, qui d'autre pouvait l'avoir à part lui de toute façon ?
Winston vint réclamer son dû en monnaie de croquettes, je l'avais complètement oublié le pauvre. Mes pensées étaient tournées quatre siècles plus tôt et malgré moi, vers les mains expertes de Sam. Si Vince avait été dans le coin, il lui aurait volé dans les plumes. Je me morigénai moi-même tellement je me trouvais stupide de l'avoir laissé faire. Tout mon bon sens disparaissait face à ce type.
Je fus sortie de ma rêverie par la sonnette de la porte d'entrée. Je n'attendais personne.
Quand je vins ouvrir c'est ma mère que j'eus en face de moi. Toujours tirée à quatre épingles, celle-ci était mon complet opposé, à se demander si on venait vraiment de la même famille. Mrs Margaret Chester était l'archétype même de la mère moralisatrice et qui n'aimait absolument pas être dérangée par sa progéniture. Heureusement qu'elle n'avait eu que moi et que j'avais été une enfant relativement sage d'après ses dires. Mon enfance ne m'avait laissée que des souvenirs assez vagues de toute façon.
- Bonjour ma chérie !
- Bonjour m'man !
Elle m'étudia quelques secondes dans l'entrée.
- Tu as une petite mine, tu travailles trop j'en suis certaine. Tu devrais laisser tes dépressifs pour sortir t'aérer un peu plus.
- Je voudrais bien mais je n'en ai pas toujours le temps, éludai-je.
Nous allâmes nous installer sur le canapé.
- Tu veux boire quelque chose ?
- Oui un thé s'il te plait.
Je revins de la cuisine avec deux tasses fumantes et une assiette de biscuits.
- Tu ne m'avais pas dit que tu allais passer, dis-je ne m'asseyant près d'elle.
- Je me suis décidée au dernier moment en revenant de la Messe.
Ah oui, j'avais oublié de préciser qu'elle était une vraie grenouille de bénitier, chose qui m'exaspérait à un point pas possible. A croire que je lui en voulais d'avoir foi en quelqu'un d'impalpable et pour lequel tant de sang continuait à couler au nom de la religion.
- Alors où en es-tu de tes recherches généalogiques ? m'interrogea-t-elle.
- Oula c'est plus complexe que je ne l'imaginais au départ.
- Mais encore ?
- Eh bien je dispose de certains éléments mais les circonstances de la mort de cette Nora Elizabeth Chester sont plutôt floues. On l'a accusée de sorcellerie mais elle était visiblement innocente et a surtout fait les frais de la jalousie d'une personne mal intentionnée. Sauf que j'ignore de qui il s'agit.
Margaret hocha la tête et but une gorgée de thé.
- Et tu n'as aucun autre élément ?
- J'ai pu avoir entre les mains son journal intime mais une page manque et visiblement c'était la plus importante du carnet.
- Ce n'est sûrement pas un hasard.
- Je suis du même avis que toi, dis-je en plongeant le nez dans ma tasse.
- Et bien je te souhaite que tes recherches avancent. Au fait et dans ta quête du fiancé idéal, tu avances aussi ?
Et voilà on y était, la sempiternelle question qui m'agaçait autant que la messe !
Pour une fois, j'allais lui donner du grain à moudre.
- Et bien j'ai rencontré deux hommes la semaine dernière ! Un blond charmant et un brun super sexy.
Margaret Chester recracha son thé tant elle ne s'attendait pas à une telle réponse.
- Et tu comptes les revoir ?
Je fis mine de réfléchir.
- Je pense que oui.
- Voilà qui est bien mais tu devrais vite en éliminer un des deux rapidement sinon tu risques d'avoir de gros problèmes.
- J'aime bien avoir l'embarras du choix, ironisai-je.
- Tu as 30 ans je te le rappelle et je voudrais bien avoir des petits enfants.
- Mais oui maman, ça viendra bien un jour ! Ta descendance sera assurée ne t'en fais pas.
Tout à coup je marquai un temps d'arrêt. Mes neurones firent connexion.
Je me précipitai sur le carnet qui était resté dans ma chambre en plantant ma mère dans le salon. Une partie du problème résidait en effet dans la toute première ligne et j'étais passée à côté depuis le début. Nora Elizabeth avait bien écrit noir sur blanc "je n'ai ni mari, ni enfant" ...
Si elle n'avait pas eu d'enfant comment se pouvait-il que je sois sa descendante ?! Pas d'enfant, pas de descendant, rien de plus logique. Donc qui étais-je par rapport à elle ?
Mon cerveau fonctionnait à la vitesse de la lumière. Me revint en mémoire la phrase que Sam avait prononcé dans le restaurant avant que je ne tombe dans les pommes. Nous parlions de Van Helsing et il avait dit "nous ne le laisserons pas vous faire de mal cette fois". Ce qui sous-entendait qu'il m'en avait déjà fait avant.
Oula oula oulala ! Et si je repensais aux petites phrases sibyllines de Vince sur la mémoire, les comparaisons avec une amnésique qui doit rechercher les pièces du puzzle d'après Sam.
Mais ils se sont bien foutus de ma tronche ces deux-là !!
JE SUIS NORA ELIZABETH !!!!
Et si je suis cette fille brûlée vive sur un bûcher, ce qui en soit n'a aucun sens, qui est donc la femme qui prétend être ma mère et qui boit le thé dans mon salon ???

A suivre ...