jeudi 20 février 2014

La psy perd la boule

Arrivée à l'appartement, je claquai la porte tellement fort que Winston sursauta sur son fauteuil attitré. Les poils tous hérissés, il partit se réfugier dans la chambre.
Je râlais toute seule à voix haute.
- Nan mais qu'est-ce que c'est que ce docteur à la noix qui veut jouer les psy ? Il n'a qu'à s'occuper des neurones de ses patients et me foutre la paix. Je ne lui ai rien demandé d'abord à cet espèce de crétin de mec friqué qui se croit tout permis !!
Au bout de 5 minutes, Winston tenta une nouvelle approche, du genre je pointe le bout de mon nez mais si c'est miné, je décampe aussitôt. Sentant que l'orage se calmait, il osa grimper sur mes genoux pour s'installer confortablement. Je lui grattai la tête du bout des doigts, il se mit à ronronner.
- Désolée de t'avoir fait peur Win, ce n'était pas ta faute. Juste une journée pourrie dans une vie merdique, t'en fais pas, ça passera. Comme toujours ...
Il était près de minuit quand je reçus un sms incendiaire de Suzie.
"Avec ton air con et ta vue basse, tu aurais pu dire qu'IL t'intéressait. Je me suis totalement ridiculisée ce soir, je vais être la risée de tout l'hôpital. Merci bien ! Tu parles d'une copine ! grrrrrr "
Je ne pris même pas la peine de lui répondre, j'étais lessivée et en colère contre le Dr Clark. Honnêtement Suzie était le cadet de mes soucis.
Je déplaçai délicatement Winston pour le déposer sur son fauteuil fétiche. Il ouvrit un oeil et puis le referma aussitôt. Bientôt il afficherait un panneau "ne pas déranger" celui là ! Je passai une dernière fois la main sur son pelage soyeux avant de filer me mettre au lit.
Toute la nuit, je tournai et me retournai dans les draps, j'avais du mal à m'endormir. L'énervement sans doute.
Et quand le sommeil vint enfin, je fis un cauchemar avec Sam le fou qui tentait de m'étrangler sur le divan de mon bureau. Il avait des ailes noires dans le dos et des flammes luisaient dans ses yeux. Assis sur une chaise à côté, Vince Clark commentait : "Je vous l'avais bien dit que vous aviez des problèmes ! Il fallait vous confier, maintenant vous êtes foutue Nora ..."
Je me réveillai toute tremblante, avec l'estomac à l'envers.
La contrariété ne me réussissait vraiment pas. Il était 7h30, je filai sous la douche pour faire disparaître à grand renfort d'eau chaude, la sensation d'oppression qui ne me quittait pas depuis ce rêve complètement débile.
J'enfilai à la hâte un leggins gris foncé, un pull tunique blanc, une paire de baskets et mon ciré jaune. Il pleuvait toujours des cordes, nous étions mercredi et je recevrais mes patients négligée comme jamais avec les cheveux relevés en un chignon informe. J'avais décidé. Point !
Je fis mes 2 kms à pied sous la pluie jusqu'à mon bureau, j'arrivai trempée comme une soupe mais l'air frais m'avait fait du bien. J'avais besoin de me vider la tête.
Le répondeur du bureau clignotait, j'avais deux annulations pour cette après-midi. Vu le temps, rien d'étonnant, il fallait être barge pour mettre le nez dehors par un déluge pareil. Tant mieux au moins je finirais ma journée plus tôt.
La matinée s'écoula tranquillement. Pas de nouveau sms de Suzie, elle était fâchée et je m'en fichais royalement. Je savais pertinemment qu'elle était copine avec moi uniquement pour que je lui serve de faire-valoir. Il était temps de mettre un terme à tout cela, marre de me faire marcher sur les pieds et d'être la bonne copine qui tient la chandelle. Suzie pouvait croire ce qu'elle voulait après tout. Elle s'imaginait que j'avais fait de la culture physique avec son docteur mamour et bien j'allais lui laisser croire ce qu'elle voulait. Après tout pourquoi on ne me prêterait pas à moi aussi une liaison sulfureuse à l'hôpital ? Cela alimenterait les ragots pour un moment et rien que cette idée me faisait marrer ! D'ailleurs j'étais tellement contente de mettre le souk partout que je branchai la chaine hifi qui se trouvait dans un coin de mon bureau. Et je me mis à me déhancher comme une dingo sur Right as rain d'Adèle.
J'avais branché mon diffuseur d'huiles essentielles également, j'étais shootée à la lavande ! Euphorique la psy ! Méconnaissable !
Tout à coup j'entendis un raclement de gorge et un gloussement. Je me retournai. De longs cheveux noirs, une mine de bad boy, un corps immense appuyé au chambranle de la porte.
- Sam ! Encore vous ! Décidément on ne se quitte plus ! soupirai-je.
- Miss Chester ! Quel déhanché ! Franchement je suis épaté, vous êtes moins coincée que je ne l'imaginais au départ.
- Qu'est-ce que vous voulez Gérard Majax ? Vous savez que les portes et les sonnettes existent ?
Sam leva les yeux au ciel.
- Pour une fois j'ai sonné mais comme ça ne répondait pas étant donné les décibels qu'on entend depuis la rue, j'ai pris la liberté de ... enfin je suis là quoi !
- La liberté de foutre votre nez partout, oui j'avais remarqué.
Il esquissa un sourire en coin tout à fait charmant. S'il n'avait pas l'allure d'un psychopathe, il aurait même pu être tout à faire séduisant ... sans sa longue tignasse !
- Tout de suite les grands mots ! Je suis curieux, pas fouineur. Nuance miss Chester, nuance ...
- Si vous le dites. Que me vaut l'honneur de votre nième visite sans rendez-vous ?
Pourquoi n'avais-je pas peur de lui aujourd'hui ? Lui qui me foutait tant la frousse, j'ai plutôt envie de me foutre de sa figure qu'autre chose. Nora ma vieille tu disjonctes !
- J'avais envie de papoter cinq minutes. Vous ne me râlez pas après aujourd'hui ? s'étonna-t-il.
- Non, je suis trop fatiguée pour ça, dis-je en haussant les épaules.
- Vous avez fumé un pétard Miss Chester pour être aussi calme ? s'enquit-il.

Mais c'est qu'il pouvait être tordant cet animal là !
Je ne pus réprimer un fou rire qui dura un bon moment jusqu'à ce qu'à bout de souffle, je finisse en me tenant les côtes.
- Même pas ! haletai-je les larmes aux yeux.
Il me regardait comme si un martien avait pris ma place habituelle dans ce bureau.
- Miss Chester, il va falloir arrêter les huiles essentielles, ça vous monte au cerveau.
- Ah vous, ne me parlez pas de cerveau ou de neurones sinon je vous expédie chez le grand blond à l'hosto !
Il pencha la tête vers moi, incrédule.
- Bein dites donc il n'a pas tardé à mettre le bazar celui-là comme d'habitude.
- Pourquoi vous connaissez le super prétentieux Docteur Vince Clark ? demandai-je tout à fait sérieuse.
- Je dirais que j'ai plusieurs fois croisé sa route au cours des derniers siècles.
- Ah oui, j'oubliais que vous êtes toujours dans votre délire d'ange déchu. Alors il a fait quoi l'autre zigoto ?!
- Je préfère vous laisser le découvrir par vous-même, ce ne serait pas drôle sinon. Le seul indice que je vous donnerais c'est qu'il n'est pas le docteur qu'il prétend être.
- Whouah quel scoop ! Je sais très bien qu'il a eu le poste par piston et qu'il n'est pas plus compétent qu'un autre.
- S'il n'y avait que ça, ce serait du pipi de chat.
Les yeux de Sam se mirent à luire d'une drôle de façon. Je sentais l'odeur du défi à plein nez. Ces deux là devait avoir un contentieux à régler.
- Enfin vous verrez bien, on en reparlera bientôt.
- Super, vous m'êtes d'un grand secours, ironisai-je.
- Vous n'imaginez pas à quel point Miss Chester ...
Il m'adressa un clin d'oeil et se volatilisa.


A suivre ...



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