samedi 15 février 2014

Mardi de dingue (2)

Il insinuait quoi l'autre taré ? Que je suis psycho-rigide et que je ne me marre que quand je me brûle ?! Crétin d'andouille ! Il n'est pas prêt de me dérider celui là.
Je nettoyai tant bien que mal le café que j'avais renversé sur le sol avec des serviettes en papier et pris la direction de mon bureau en bougonnant.
Mon pantalon était taché, il faudrait donc que je fasse un détour par mon appartement avant de me rendre au colloque de ce soir. La journée commençait bien c'était sûr et certain.
Un homme âgé m'attendait avec sa fille, c'était mon premier rendez-vous de la matinée. A l'hôpital je faisais plus du dispatching vers les autres services que je ne menais de véritables thérapies. Généralement, je finissais par récupérer les cas qui m'intéressaient dans mon cabinet privé.
La fille d'environ 50 ans, amenait son père pour faire un diagnostic différentiel. A savoir si son père avait une dépression ou s'il débloquait complètement suite à une dégénérescence cérébrale.
Je fis passer quelques tests au vieux monsieur de 80 ans. A un moment je lui demandai de compter à rebours à partir de 20 et il me répondit " vous vous voulez que je compte en verlan quoi !"
Une évidence s'imposait ce patient était pour le fameux docteur Clark. La neurologie c'était son rayon pas le mien. Je dirigeai donc père et fille vers le service de neuro avec un petit mot griffonné à la hâte où j'insistai pour que le patient soit pris en charge rapidement.
Le reste de la journée se passa sans incident majeur. Vers 18h00 je retrouvai Winston tranquillement étalé sur le tapis de ma chambre. Je lui servis une gamelle de croquettes avant de filer sous la douche. Je mis une chemise blanche avec un pantalon fluide noir, une veste de tailleur pour habiller un peu la tenue. Ravalement de façade oblige, je fis l'effort de me remaquiller un peu pour ne pas avoir l'air aussi lessivée que je le ressentais à l'intérieur. Un taxi passa me chercher vers 19h30. La conférence qui débutait à 20h et serait suivie d'un buffet. Bref une vraie assemblée de chercheurs pique-assiettes il ne fallait pas se leurrer.
Suzie m'attendait à l'entrée de l'amphithéâtre. Elle portait une robe rouge foncé fendue sur le côté jusqu'à la cuisse, encore un atout pour attirer le mâle qui était sa cible. Avec ses cheveux blonds, on ne voyait qu'elle dans le hall. Je me fis la réflexion que si le docteur mamour finissait par tomber dans ses filets, à l'hôpital ils se feraient rapidement surnommer Ken et Barbie. J'ai toujours dit trop de blond tue le blond !
 - Rhooo tu aurais pu faire un effort et quitter ton accoutrement de bonne soeur. Je t'ai déjà dit que tes éternels pantalons noirs classiques n'attirent pas les hommes.
 - Oui sauf que je suis là pour tenir la chandelle et non pas pour me caser avec un docteur égocentrique et coureur.
- C'est comme ça que tu vois les médecins toi ? dit-elle en levant un sourcil.
- Oui surtout les blonds qui n'ont pas l'âge de diriger un service de neuro. L'est trop jeune pour ça ! Il a quoi ? 35 balais tout au plus, il a bien dû être pistonner pour avoir le poste.
- Tu dis ça parce-que tu es jalouse et que c'est moi qui vais le glisser dans mes draps.
- Pfff crois ce que tu veux ! soupirai-je en haussant les épaules.
Le docteur Clark en profita pour faire son apparition dans un complet gris anthracite bien coupé, un léger sourire aux lèvres. Il embaumait l'acqua di gio. L'eau qui rend marteau ! Ce serait un excellent slogan de pub quand on y pense ... 
Mais revenons à nos moutons, euh ... neurones devrais-je dire puisque c'est de cela qu'il devait être question ce soir durant ce maudit colloque.
Le docteur mamour de Suzie vint à notre rencontre.
- Ah vous êtes là toutes les deux ! Venez avec moi je vous ai gardé deux places au premier rang.
- Merci docteur Clark, c'est très charmant de votre part, dit Suzie d'un ton mielleux.
Pour ma part je me contentai d'un merci à peine audible. Mon amie en profita pour embarquer sa proie en passant son bras sous celui du doc comme si c'est deux là se rendaient à un bal. Je repensai soudain à une expression de ma grand-mère qui disait dans ce genre de cas "passe ton aile sous mon abattis, on aura l'air de deux volailles !"
J'étouffai un éclat de rire. Suzie ne remarqua rien toute concentrée qu'elle était sur son opération drague, mais le grand blond lui tourna la tête vers moi et me gratifia d'un sourire entendu.
Le rouge me monta aux joues. Heureusement nous arrivions en direction des places que le neurologue chéri de Suzie avait pris soin de nous garder.
Nous bavardâmes quelques minutes de la pluie et du beau temps. Suzie minaudait comme une collégienne, qu'est-ce qu'elle pouvait m'exaspérer ! Clark remarqua mon agacement et s'adressa à moi. A vrai dire il venait carrément de zapper Suzie qui monopolisait la conversation depuis le début. Peut-être qu'il était plus intelligent que je ne le pensais et qu'il ne se laisserait pas embarquer dans le piège tendu par la pédopsy qui me servait de copine.
- Au fait Miss Chester, j'ai bien eu votre message de ce matin. Je recevrai votre patient après-demain. Si les critères correspondent, je pourrais même l'inclure dans mon programme d'étude clinique. Je travaille actuellement sur l'essai d'un nouveau médicament qui tente de ralentir la dégénérescence cérébrale.
- C'est gentil à vous de le recevoir aussi vite.
Je ne savais pas trop quoi ajouter, j'étais terriblement mal à l'aise sous le regard de Suzie qui virait au bleu tempête. Si elle croyait que j'allais lui piquer son docteur mamour, elle pouvait toujours se le garder. Les blonds ne sont pas dans mes critères de recherche du petit copain potentiel !
- Je vous tiendrai au courant de l'avancée du dossier bien entendu. Ah, il est l'heure de vous laisser, c'est moi qui ouvre la conférence de ce soir. On se revoit plus tard, ne filez pas en douce !
Il partit rejoindre l'estrade, quant à moi je me fis toute petite sur mon siège. Suzie ne desserrait pas les dents. Visiblement, j'avais piétiné ses plates-bandes sans le vouloir.
Je fis le maximum pour me concentrer sur les dernières avancées scientifiques concernant la maladie d'Alzheimer mais j'avoue que j'étais fatiguée et que cela me passait carrément au-dessus de la tête. Pendant la première demie-heure le docteur Clark qui faisait son exposé, croisa souvent mon regard, mais je n'y prêtai pas réellement attention. Suzie tirait une tête de six pieds de long, j'avais envie de rentrer chez moi au plus vite. La conférence prit fin au bout de deux longues heures. Mon estomac gargouillait, je décidai donc de passer par la case buffet tant qu'il restait quelques petites choses à grignoter. Je jetai mon dévolu sur le pain surprise au fromage et sur des petites verrines bien alléchantes. Suzie était partie discuter avec des collègues, elle m'avait complètement ignorée de toute la soirée. Je n'avais pas envie de me disputer avec elle maintenant, ça attendrait notre prochaine entrevue ou ça se ferait pas répondeur interposé !
J'allais allégrement attaquer un petit chou à la crème en guise de dessert quand le docteur Clark repointa le bout de son nez.
- Alors Miss Chester, on s'empiffre de sucreries ?!
J'avais la bouche pleine de chantilly, pas très pratique pour répondre !
- Je recharge les batteries, dis-je en engloutissant la fin de mon gâteau. Sauf votre respect les conférences dans ce genre m'assomment dès la première demie-heure.
- Au moins vous avez écouté religieusement mon exposé, c'est déjà ça ! Mais pourquoi êtes vous venue si cela vous ennuie autant ?
- La tigresse en rouge qui me sert de copine m'a menacée de mort si je ne l'accompagnais pas ce soir.
- Visiblement elle vous a lâché en route, elle est à l'autre bout de la salle.
- Oh ça c'est parce-qu'elle est fâchée, ça lui passera !
- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'enquit-il.
- Un conflit d'intérêt mal placé je dirais ...
- Mmmh je vois. Encore un crêpage de chignon à propos d'un homme je parie !
- C'est à peu près cela mais l'objet de ses fantasmes ne m'intéresse absolument pas, elle peut donc dormir tranquille.
- Encore faudrait-il que l'objet en question s'intéresse à elle également et c'est loin d'être gagné d'avance !
Il se lançait dans le message codé ou quoi ?!
Je ne voulais pas en savoir davantage, la pente devenait glissante. Je décidai de m'en sortir par la fuite.
- Sur ces bonnes paroles, Dr Clark, je vais vous laisser entre les mains expertes de vos collègues. Je suis épuisée, il est temps que je rentre.
- Vince, appelez moi Vince c'est moins guindé que le sempiternel Dr Clark.
Ouais et ça met aussi moins de distance, et toi mon coco, tu ne vas pas tarder à vouloir connaître toutes mes habitudes de vieille fille !
- Bon et bien bonne nuit Vince.
Je m'apprêtai à tourner les talons pour décamper quand il attrapa mon bras.
- Puis je vous raccompagner ? J'ai vu que vous étiez arrivée en taxi, à cette heure ci vous n'en trouverez pas facilement pour rentrer.
- Non ce n'est pas la peine vraiment ...
- Ne soyez pas autant sur la défensive, j'ai ma voiture et il pleut des cordes. Vous serez trempée en un rien de temps si vous attendez un hypothétique taxi. Et honnêtement un tailleur trempé avec des poils de chat dessus, ce n'est pas ce qu'il y a de plus élégant !
Aïe, j'avais oublié de brosser ma veste avant de partir, Winston est une plaie pour ça, il faut toujours qu'il laisse ses poils là où il ne faut pas ! Moralité, je passais pour une plouc pffff ....
 - Eh bien dites donc, vous avez des arguments de poids pour me convaincre de ne pas finir comme une serpillère.
- Vous n'avez rien d'une loque Nora, je vous le garantis.
Il se mit à rire de bon coeur.
J'avais dû louper un épisode, il était passé de Miss Chester à Nora sans que je lui donne l'autorisation de m'appeler par mon prénom. Celui là avait tendance à prendre trop de latitude.
- Bien je vous suis puisque vous insistez mais si la semaine prochaine vous trouvez mon cadavre dans mon bureau, il ne faudra pas vous étonner. Suzie sera passée par là avant !
 - N'ayez crainte je veillerai à ce qu'il ne vous arrive rien de fâcheux, dit-il avec un sourire en coin.

A suivre ...






2 commentaires:

  1. Hi hi, va y avoir de l'étripage je le sens.... la suite, la suite.... je confirme, Dame Sco est de retour !!

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  2. Oui il y a des chances qu'il se produise quelques disputes ! hum ! ;-)

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