mercredi 26 février 2014

Parole de sorcier

L'après-midi touchait à sa fin. Je n'allais tout de même pas passer la nuit dans mon bureau même si je ressentais une lassitude monstrueuse. J'étais tellement épuisée que je n'avais même pas râlé après Sam. Je filais vraiment un mauvais coton. A ce rythme, j'allais bientôt m'habituer aux visites-éclairs de cet énergumène. Il avait été d'une douceur exemplaire tout à l'heure, étonnant pour lui qui jouait sans arrêt les provocateurs.
Je ne voulais absolument pas croire qu'il puisse être un ange déchu ou une créature étrange, cela n'avait aucun sens. Tout cela n'existait pas de toute manière, foutaise ! Sam devait avoir la personnalité dérangée tout comme le reste d'une bonne partie de l'humanité. Le hasard avait fait qu'il m'était tombé dessus mais au-delà de ça, je dirais qu'il n'y avait pas grand chose de surprenant chez lui. Hormis sa façon de traverser les murs dont je n'avais pas encore pigé le truc !
Je revêtis mon armure en plastique jaune pour affronter une fois de plus le mauvais temps qui ne cessait pas. Ras le pompon de ce pays toujours sous l'eau ! J'avais l'impression que mes bras pesaient une tonne, je trainais mon sac à main tel un véritable boulet. Je me sentais l'âme vide d'un fantôme. Mes certitudes en la médecine et en la science avaient été littéralement balayées en même pas 5 minutes. Vince pratiquait la sorcellerie. Je comprenais maintenant pourquoi les résultats de ses essais cliniques étaient aussi miraculeux. En fait, il trichait depuis le début. Ce n'était pas un médecin mais un charlatan oui ! De colère je mis un coup de pied dans une cannette de bière abandonnée sur le trottoir par un clochard. De quel droit pouvait-il jouer avec la santé et l'espoir des gens ?! Avec ses sortilèges à deux balles, il ne leur faisait sûrement pas plus de bien que moi je ne m'appelais Mère Thérèsa. Il devait très certainement falsifier ses résultats. Comment avait-il pu embobiner tant de monde dans sa combine ? Je ne comprenais pas comment autant de médecins émérites avaient pu se laisser embarquer dans une telle mascarade. Il avait dû les envoûter pour leur faire croire à toutes ces conneries.
La pluie ruisselait sur mon visage quand Sa Lotus grise vint s'arrêter à ma hauteur. Il me restait moins d'un kilomètre à parcourir avant d'arriver chez moi et là j'étais trop crevée pour piquer un nouveau sprint sous une averse bouillonnante. La vitre du conducteur s'était abaissée.
- Nora, montez, vous êtes trempée !
- Pas question ! aboyai-je.
- Ne faîtes pas l'enfant, je suis en train de bloquer toute la circulation.
Les klaxons se faisaient déjà entendre mais je continuais à marcher droite comme un i.
- M'en fiche, je ne vais pas dans la voiture d'un fou dangereux qui joue aux apprentis sorciers, criai-je à travers le rideau de pluie qui s'abattit sur moi.
La Lotus s'arrêta net au milieu de la chaussée. Vince en descendit, laissant le moteur tourner et la portière grande ouverte. En trois enjambées, il fut à ma hauteur. Il me toisa de ses grands yeux verts qui reflétaient le danger à 10 bornes à la ronde. Il poussa un énorme soupir.
- Nora que puis-je faire pour vous convaincre de ma bonne foi ?
La pluie dégoulinait sur son visage et mon coeur tambourinait de rage.
- Rien ! Dégagez de mon chemin ! J'ai horreur d'être prise pour une imbécile, vous n'êtes qu'un menteur.
- En quoi vous ai-je menti ? s'étonna-t-il.
- Vous ne soignez pas réellement les gens, vous n'êtes même pas un médecin digne de ce nom. Vous me dégoûtez, vous jouez avec la vie des patients, avec l'espoir des familles qui placent leur confiance en vous, mais vous n'êtes qu'un imposteur, un mythomane. Il n'y a pas plus de médicament prometteur que de neurologue compétent dans toute cette histoire.
- Vous ne savez rien de moi ni de mes pratiques. Nora ne soyez pas bornée ! Laissez moi au moins m'expliquer sur ce que vous avez vu.
Vince réduisit l'espace entre nous deux. Son regard se faisait suppliant.
- Merlin de pacotille ! Je n'ai rien à faire avec vous, c'est au conseil de l'ordre des médecins et devant la justice qu'il faudra prononcer vos beaux discours pour vous en sortir.
Je levai le menton vers lui, une lueur de défi dans les yeux.
- Oh et puis bon sang, vous l'aurez voulu ! gronda-t-il
Il claqua des doigts et tout à coup les gouttes de pluie restèrent en suspension, les passants se figèrent dans leur démarche, les voitures stoppèrent comme dans un arrêt sur image. Vince avait arrêté le temps.
J'étais abasourdie. J'en restai coite.
- Ne me traitez plus jamais d'incompétent. Je fais de mon mieux avec les moyens dont je dispose. Et ne me traitez plus jamais de Merlin, c'était un vieux con et là c'est vraiment insultant. Surtout venant de vous !
Il me fallut quelques secondes pour prendre la mesure de ce qui était en train de se passer autour de moi. Toutes mes certitudes étaient ébranlées.
Vince reprit.
- Nora le danger ne viendra pas de moi, je peux vous l'assurer. Je suis vraiment désolé de vous avoir effrayée à ce point, mais il faut me croire je ne fais de mal à personne. Je ne suis ni un monstre, ni notre ennemi, s'il vous plait, donnez moi une chance de tout vous expliquer.
Il posa une main sur mon épaule en me fixant de ses prunelles émeraudes.
J'étais désarmée et je voulais comprendre.
- Très bien je vous donne une heure pour tout me raconter, pas une minute de plus !
- C'est bien plus que je ne l'aurais espéré, dit-il soulagé.
- Allons à mon appartement, vous connaissez le chemin de toute manière. Oh et puis remettez moi tout ce monde en marche, ajoutai-je en désignant les passants figés sur le trottoir.
Il me sourit et claqua à nouveau des doigts. Les klaxons reprirent leur concert strident.

A suivre ...

4 commentaires:

  1. Tiens tiens.... voilà qui devient encore plus intéressant.

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  2. Et oui l'affaire se corse ! Les deux larrons deviennent presque attachants tous les deux ;;;

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  3. je me suis dis pareil...
    tiens tiens ... intéressant..

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  4. T'es pas au bout de tes surprises !

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