jeudi 27 février 2014

Révélations

J'avais continué les quelques centaines de mètres qu'il me restait à parcourir à pied, j'avais besoin de m'éclaircir les idées. Vince avait repris sa voiture, il m'attendait déjà au pied de l'immeuble. Il me suivit sans un mot jusqu'à l'appartement.
Winston guettait mon retour derrière la porte, je l'entendis miauler quand je tournai la clé dans la serrure. Il se faufila pour aller se frotter contre le pantalon de Vince. Super ! Si Win commençait à me faire des infidélités, où allait-on ? Je vous le demande !
- Les chats et moi c'est une amitié de longue date, dit-il en souriant.
- Winston pousses-toi de là, tu m'empêches de passer, m'agaçai-je.
Monsieur chat avait en effet décidé de s'étaler comme une carpette au milieu de l'entrée pour que mon invité d'une heure (et pas plus hein !) lui gratouille le ventre. Bah voyons ! Espèce de traître !
- Vous l'avez appelé Winston en hommage à Churchill ? s'étonna-t-il.
- Non à cause de Charlie Winston ! Rien à voir !
Il éclata de rire.
- En effet, ce n'est pas du tout le même style.
J'accrochai mon ciré à la patère de l'entrée, Vince m'imita.
- Allez m'attendre dans le salon, je vais préparer du thé.
Il hocha la tête et partit vers le canapé avec Win qui ne le quittait pas d'un millimètre.
Lorsque je revins avec deux mugs fumants, mon matou était vautré sur les genoux de Vince. Je tendis une tasse à mon invité qui effleura au passage le bout de mes doigts. Une délicieuse sensation de chaleur envahit alors ma main toute entière. Et bien si un simple contact de 5 mm² faisait cet effet, je n'osais imaginer ce que pourrait être une étreinte avec ce type ! Caliente !Je rougis toute seule de mes bêtises. Je n'étais pas là pour plaisanter mais pour savoir ce que fabriquait le docteur Clark avec ses patients.
Je pris place dans le canapé à côté de lui. Il me fixait avec une telle intensité que ça en devenait presque gênant. Je décidai de casser l'ambiance.
- Alors je vous écoute, dites moi ce que vous faisiez dans la chambre de ce patient.
- Je testais un sortilège de ma création pour voir si ce monsieur avait une chance de s'en sortir.
- Mais encore ? dis-je suspicieuse.
- Je ne m'occupe pas que la maladie d'Alzheimer, la neurologie traite toutes les atteintes du cerveau aussi. L'homme que vous avez vu, a été victime d'un grave accident de la route il y a un mois, son cerveau a gravement été endommagé. Depuis il est tombé dans le coma. Malgré une opération pour diminuer la pression intracrânienne, aucune amélioration n'a été constatée.
- Et donc vous avez fait un petit tour de passe-passe pour voir si vous pouviez le remettre sur pied ?
- En quelque sorte oui.
Je hochai la tête, je sentais que tous mes arguments allaient tomber à la l'eau. Une intuition comme ça ...
- Quelles sont ses chances de s'en sortir ?
- Infimes je l'avoue, c'est pour cela que j'ai tenté cette incantation. Un peu comme une dernière chance ...
- Vous faites ça souvent ? l'interrogeai-je.
- Les sortilèges de ce genre sont juste réservés pour les cas désespérés, je ne les utilise pas tous les jours si c'est ce que vous sous-entendez.
- Je vois. Et pour ce type, ça a marché ?
- Non je n'ai pas eu le temps de terminer, vous m'avez interrompu au moment crucial.
- Vous pourrez retenter votre chance plus tard alors.
- Cela m'étonnerait fort, soupira-t-il.
- Pourquoi donc ?
- Le patient est mort, dit-il en braquant ses yeux verts sur moi.
J'étais mal.
- Vous pensez que c'est de ma faute ?
- Non.
- A vous voir, on dirait pourtant le contraire. Vous avez l'air plutôt contrarié.
- Je suis surtout en colère contre moi parce-que j'ai trop tardé à intervenir sur lui. En aucun cas, je ne vous tiens pour responsable de ce décès.
Manquerait plus que ça en même temps !
Je le voyais tripoter nerveusement sa tasse, d'habitude, il avait l'air beaucoup plus serein. Son parfum venait chatouiller mes narines. Difficile de se concentrer sur mon interrogatoire dans ces conditions. Un voile de tristesse venait d'envahir son visage, voilà qui ne me facilitait pas la tâche.
- Et pour l'Alzheimer, votre médicament miracle, c'est de la science ou une potion magique de votre crû ?!
- Un remède fabriqué par mes soins.
- Vos soins de médecin ou de  ,,, ?
- De sorcier ! C'est bien ce que vous voulez me faire dire depuis le début. Mon médicament ne vient pas d'une industrie chimique humaine ! lâcha-t-il.
Et maintenant la question qui fâche.
- Vous n'avez pas l'impression de vous prendre pour Dieu à intervenir comme ça sur des moribonds ?
- Je fais mon boulot de médecin, peu importe la méthode que j'emploie, seul le résultat compte. Sauver des vies c'est l'essentiel.
- Vince, vous pratiquez la sorcellerie pour soigner des humains, ça n'a rien à voir avec la médecine ! m'insurgeai-je.
- C'est une science ... occulte, Nora la cartésienne !
La tension devenait palpable, Winston venait de décamper vers la chambre.
- Et depuis quand jouez-vous à l'apprenti sorcier ?! enfonçai-je le clou.
- Je ne joue pas, je suis né comme ça. C'est génétique, tous mes ancêtres étaient des sorciers.
- Tous aussi recommandables que vous ?
Je le poussai volontairement dans ses retranchements, je voulais voir ce qu'il avait dans le ventre.
- Pas forcément non. Et pour votre gouverne, je n'ai pas toujours été très recommandable, mais j'essaye de m'améliorer. L'immortalité fait qu'on a tout le temps de se repentir et de changer de voie si nécessaire.
Aller Nora, prends toi ça dans les gencives.J'en restai muette. Pour me donner une contenance, j'ingurgitai la moitié de ma tasse de thé. Vince me toisait, je sentais qu'il avaient envie de me foutre des tartes et de quitter l'appartement en claquant la porte. Pourtant il ne le fit pas.
- Vous n'êtes pas mortel ? repris-je.
- Non, je n'ai pas ce privilège et croyez moi, je préfèrerais pouvoir mourir, l'éternité est longue et souvent douloureuse à vivre.
Il approcha son visage du mien.
- Dites moi, vous êtes toujours aussi brusque avec vos patients Miss Chester ?
Oula je l'avais agacé, on en revenait à Miss Chester et plus à Nora, ça sentait le roussi.
- Absolument pas. Alors pourquoi un tel acharnement dans votre interrogatoire ?
- Pour la bonne raison que vous n'êtes pas un de mes patients !
- Vous pourriez vous montrer plus amicale tout de même, je ne suis pas votre ennemi. Bien au contraire.
- Vous n'êtes pas mon ami non plus Vince, dis-je en plissant les yeux.
Je ne vous connais pas, j'ignore tout de vous à part les infos que j'ai soutirées au bureau du personnel. Un dossier bien net, rien à redire. Mais quel est le vrai du faux dans tout ça ?
Je l'ignore.
- Vous me traitiez de menteur tout à l'heure mais vous n'avez pas hésité à fouiller dans des dossiers classés confidentiels pour mener votre petite enquête. C'est du beau !
Il passa une main dans ses cheveux encore humides à cause de la pluie. Il n'avait pas bu une goutte de thé, sa tasse était restée pleine.
- J'aime bien savoir à qui j'ai affaire surtout quand un grand type comme vous insinue que j'ai des problèmes par dessus la tête qui nécessiteraient que je lui raconte tout bien religieusement. Honnêtement, vous n'avez pas la gueule d'un curé !
- Ni la vocation, je vous rassure ! J'aime beaucoup trop les femmes pour rester célibataire jusqu'à la fin des temps.
Info supplémentaire, il n'était pas gay ! Dis donc Nora, tu dérailles ma vieille, qu'est-ce que ça peut te faire qu'il soit attiré par les femmes ou pas hein ?!
- Et coureur de jupons par dessus le marché ! grinçai-je
- Ne me faites pas plus noir que je ne le suis Nora. Et puis mes aventures sentimentales ne vous regardent pas. Je ne suis pas votre patient comme vous l'avez si justement mentionné.
Ok mon vieux, tu veux le jouer sarcastique et bien jouons !

- Vous avez tout à fait raison. Cela dit nous avons une connaissance commune et je ne parle pas de Suzie ...
Il me lança un regard interrogatif.
- Qui donc ?
- Un grand brun ténébreux à cheveux longs, un dégaine de bad boy et un sex-appeal à faire rougir les grands-mères.
Vince devint livide.
- Ne me dites pas que Sam est venu vous voir ? dit-il paniqué.
- Justement si, à plusieurs reprises.
- Que voulait-il ?
- Officiellement mener une thérapie mais il a tendance à se croire un peu tout permis, je l'admets volontiers.
Vince Clark tourna vers moi un regard rempli d'inquiétude.
- Vous ne vouliez pas me croire quand je vous disais que vous aviez des problèmes, et là je peux vous dire que Sam en est un gigantesque. Nora, je vous l'annonce, vous êtes dans la merde !
- M'enfin qu'a-t-il donc de si terrible mis à part le fait qu'il se prend pour un ange déchu ?! Il est dérangé mais bon plutôt sympa au demeurant.
- Nora, je croise Sam régulièrement depuis des siècles, il est nocif, dangereux et manipulateur. Il recrute les âmes pour son patron. Une fois que le contrat est signé vous êtes fichue. Il a un quota bien spécifique à remplir, un million d'âmes à récolter et au bout du compte, il sera libéré et redeviendra humain quand son chiffre sera atteint.
- C'est du délire Vince ! m'écriai-je.
- Pas tant que ça quand on sait que je suis un sorcier et vous un ... enfin bref, évitez le comme la peste. Et moi je ferai en sorte qu'il se tienne éloigné !



A suivre ...




4 commentaires:

  1. Y a forcément un gentil et un méchant dans l'histoire.... reste à savoir lequel...

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  2. Exactement ! L'écheveau n'est pas si facile à démêler ...

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  3. pppfff, je pars en vacances demain, j'espère capter le net pour pouvoir lire la suite...

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  4. Ma pauvre c'est pas gagné tu pars combien de temps ?
    Va falloir être patiente alors.

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