mercredi 19 février 2014

Mardi de dingue (3)

Vince Clark déverrouilla les portières de sa voiture. Je ne me fis pas prier pour m'engouffrer à l'intérieur de l'habitacle, la pluie avait en effet redoublé d'intensité et j'étais bien contente d'être au sec pour rentrer. Suzie m'avait jeté un de ses regards qui tuent quand elle avait compris que je levais l'ancre avec son docteur mamour.
Une mise au point rapide avec elle allait s'avérer nécessaire, mais pour l'instant, j'étais occupée à étudier le profil de mon chauffeur.
A bien y regarder, j'admets qu'il n'était pas moche du tout, mais vraiment pas mon style. D'ailleurs quel était mon style ? Visiblement je n'avais toujours pas trouvé le mien puisque j'étais toujours célibataire. Bon il y avait bien Mike, mon garagiste et ami d'enfance qui me courait après depuis le CP et avec qui j'aurais pu me caser par facilité, mais certainement pas parce-qu'il était mon grand amour. Tout au plus un sex-friend potentiel en période de pénurie amoureuse. Mike est vraiment un gentil garçon, pas vilain mais je ne l'aimais pas assez pour me lancer dans une hypothétique relation avec lui. Je préférais en rester au coup de pied dans les tibias que je lui avais balancé à 6 ans parce-qu'il me collait de trop près.
Vince conduisait plutôt bien mais un chouilla trop vite à mon goût. Je me demandais d'ailleurs s'il avait encore tous ses points sur le permis de conduire, je n'osais pas regarder le compteur de vitesse mais l'aiguille devait s'affoler. Comme tous les médecins au compte en banque bien rempli, il ne roulait pas en 2CV mais plutôt en voiture de sport. Mon Austin mini faisait pâle figure à côté de sa Lotus, et puis honnêtement un grand mec comme lui dans une mini aurait eu les genoux dans le menton. Ridicule !
- Miss Chester ? dit-il m'obligeant à sortir de ma rêverie.
Le visage légèrement tourné vers moi, j'aperçus le reflet vert de ses yeux grâce à l'éclairage public qui illumina une fraction de secondes l'intérieur de la voiture. Ces yeux là étaient beaucoup trop brillants, presque fiévreux.
Ils recelaient un mélange de confiance en soi, de séduction mais aussi une mise en garde. Un peu comme s'il y avait un écriteau lumineux qui clignotait par moment pour avertir qu'il ne fallait pas regarder de trop près sinon danger imminent !
- Oui ?
- Indiquez moi le chemin pour trouver votre rue sinon nous allons pouvoir tourner longtemps dans le centre-ville. Mon GPS ne fonctionne plus.
Reprenant mes esprits je lui indiquai mon adresse.
- 12 Milton Road. Vous prendrez la 3e rue sur la droite après le rond point et nous y serons.
Quelques minutes plus tard, il stationna son bolide devant l'entrée de mon immeuble.
- Voilà vous êtes arrivée.
- Merci Vince, c'est très aimable à vous de m'avoir reconduite jusqu'ici.
J'esquissai un sourire poli qu'il me rendit.
- Pas de souci. Si vous avez besoin de mes services n'hésitez pas à me solliciter, ce sera avec plaisir que je vous aiderai.
- Vous croyez que j'ai besoin d'un bon neuro ?! ironisai-je.
Il éclata de rire.
- Non je ne pense pas que vous ayez l'âge d'avoir besoin de moi en tant que médecin. Vos neurones ont l'air de plutôt bien fonctionner.
Oula oula oulala, pente glissante ma vieille ....
- Donc vous vous proposez en tant que taxi alors ?
Il réfléchit quelques secondes.
- Plus ou moins. Vous savez que les chauffeurs de taxi jouent les oreilles attentives pendant leurs courses, ils écoutent beaucoup leurs clients aussi bien qu'un psy parfois.
Les effluves de son parfum et l'odeur des sièges en cuir venaient me chatouiller mes narines.
- Vous croyez que j'ai plus besoin d'être écoutée que transportée ? dis-je en fronçant les sourcils.
- Pourquoi pas Nora ? Vous êtes comme tout le monde, parler ça fait du bien quand on a des problèmes.
- Donc, vous vous proposez de jouer au thérapeute de comptoir parce-que vous imaginez que j'ai des problèmes ?
- Je n'insinue pas que vous ayez de gros problèmes, pas encore tout du moins.
- Précisez votre pensée alors.
Je sentais la colère monter en moi, on allait droit au clash.
- Je dis simplement que lorsqu'on reçoit des patients parfois effrayants comme vous pouvez parfois en voir, c'est aussi bien d'en parler à quelqu'un.
- Vous êtes neurologue pas garde du corps que je sache ! 
- Ne vous emportez pas ainsi Nora, je ne voulais pas vous vexer, mais il faut parfois le reconnaître quand on a besoin d'aide.
Le pire c'est qu'il avait l'air parfaitement sérieux, il voulait me foutre la trouille ou quoi ?! Tous mes patients ne ressemblent pas à Sam le fou heureusement.
- Je gère parfaitement la pression professionnelle toute seule sans que quelqu'un vienne me psychanalyser sur mon ressenti par rapport à mes patients. Et puis, je suis peut-être seule et névrosée, avec peu d'amis, mais ce n'est pas pour ça que je vais me confier au premier venu qui me fait un numéro de charme déguisé en bon samaritain.
Merci bien mais je préfère encore marcher sous la pluie que de déballer mes états d'âme à un prétentieux comme vous ! Pauvre type !
Je sortis en claquant la portière, dans un état de fureur absolue et courus jusqu'à l'entrée de l'immeuble.
Vince Clark poussa un énorme soupir en marmonnant.
- Ca va être coton si elle n'y met pas un peu du sien. Quelle tête de mule inconsciente ! Elle ne verrait même pas si le diable en personne s'asseyait à côté d'elle pour boire le thé.
Il enclencha la première et partit en trombe.




A suivre ...


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