samedi 8 mars 2014

A la pêche aux indices

Et voilà avec tout ce bazar, j'avais carrément oublié de parler de cette pierre tombale étrange à Vince. Entre la tempête et les étoiles, je commençais à marcher à côté de mes pompes ! Je n'avais pas sommeil. Sam ne s'était pas manifesté et heureusement car je ne savais pas si j'aurais été capable de supporter une autre créature surnaturelle pour le reste de la soirée. Le vent soufflait tellement fort que les fenêtres étaient secouées. Win, très courageux, avait fichu le camp pour se cacher aux toilettes. Du coup, j'embarquai mon ordinateur portable jusque dans ma chambre et me mit au lit avec l'engin sur les genoux. Je voulais faire quelques recherches à propos de la Nora Elizabeth Chester du cimetière. Je ne pensais pas trouver grand chose d'intéressant mais on ne savait jamais.
Je lançai Google et j'obtins une réponse tout à fait sibylline à ma question :
"Femme accusée de sorcellerie, brûlée vive en place publique de Cambridge en 1680"
Super encore mieux ! Qu'est-ce que j'avais encore été farfouiller là-dedans moi ? Je n'en avais déjà pas assez avec un sorcier immortel que je remettais le couvert avec cet homonyme. Manque de chance pour moi, je n'avais jamais eu l'occasion ou l'envie de remonter dans mon arbre généalogique pour connaître les turpitudes de mes ancêtres ... Mais maintenant que ma curiosité était titillée, il fallait que j'aille jusqu'au bout. Je décidai donc de téléphoner à ma mère malgré l'heure tardive.
- Salut m'man !
- Nora ? Tu as vu l'heure ?! grogna-t-elle à moitié endormie.
Ouais bon il était près de 23h mais il n'y a pas d'heure pour les braves !
- Désolée de te déranger si tard mais j'ai une question à te poser et ça ne peut pas attendre demain.
- Je t'écoute, dit-elle dans un bâillement.
- Sais-tu si parmi nos ancêtres il y a eu une Nora Elizabeth Chester accusée de sorcellerie en 1680 ?
- Et c'est pour ça que tu me réveilles ? Pour une sorcière ?!
Écoute ma chérie, je n'en sais strictement rien. Tu devrais aller aux archives de l'État civil ou voir si le prêtre de la paroisse de Cambridge peut te répondre parce-que moi là j'ai sommeil.
Je percevais un net agacement dans sa voix. Je n'insistai donc pas.
- Ok merci m'man et bonne nuit. Désolée pour le dérangement ... Je t'embrasse.
- Oui moi aussi. Bonne nuit.
Et la conversation fut interrompue aussi sec. J'adorais le dévouement de mon aimable mère. En dehors du fait de vouloir me caser à toute force, il ne fallait jamais rien lui demander !
Mon cerveau était en ébullition. Pourquoi n'y avais-je pas pensé plus tôt ?
Dès demain j'irais à la pêche aux renseignements. Le bureau d'État civil était fermé le samedi matin mais j'aurais sans doute plus de chance avec les archives tenues par les religieux de l'époque. Encore faudrait-il que je puisse avoir accès à ces documents...
Je décidai donc d'aller me coucher en espérant ne pas faire de rêves totalement délirants. Win vint se blottir contre moi au dessus des couvertures, cette tempête lui fichait une trouille monstre. Je me demandais où Vince avait bien pu se précipiter aussi vite tout à l'heure, je ne savais même pas où il vivait. Encore une question de plus qui restait sans réponse. Là dessus, je m'endormis en repensant à la pluie d'étoiles ... Ce type était une véritable énigme mais quels pectoraux sous son pull ... dommage que tout soit si compliqué sinon je m'y habituerais vite fait croyez moi !
Le lendemain matin, le ciel était dégagé, et ô miracle, le soleil était de retour. Une journée fructueuse s'annonçait, je ne devais pas laisser passer ma chance. Une intuition juste comme ça. Avant tout je cherchai le numéro de téléphone du presbytère pour savoir si je pouvais y passer ce matin, pas la peine de me casser le nez si personne n'était là. Je tombai directement sur le prêtre qui me dît de le retrouver à l'église. J'enfilai rapidement mon manteau et mis mes baskets pour partir au pas de course car le père Clemens n'avait que peu de temps à m'accorder.
Je n'étais pas une grande fan de religion, et quand on y réfléchissait bien, les curés faisaient exactement le même boulot que moi, sans se faire payer en plus ! Écouter les malheurs des gens représentait notre principal point commun.
L'air du dehors s'était considérablement réchauffé mais quand je pénétrai dans la maison du seigneur, un froid glacial s'abattit d'un coup sur mes épaules. Je parcourus les allées à la recherche du père Clemens et finis par lui mettre la main dessus dans la sacristie.
- Ah ! Miss Chester ! Je vous attendais, dit-il gentiment.
- Merci de me recevoir si vite mon Père, j'espère ne pas abuser de votre temps.
- N'ayez crainte j'ai tout de même un petit moment à vous accorder. Je vous écoute, que puis-je faire pour vous exactement ?
- Et bien voilà, je souhaiterais faire des recherches sur une certaine Nora Elizabeth Chester née en 1650 et morte en 1680 à Cambridge. J'ai lu sur internet qu'elle a été accusée de sorcellerie et qu'elle a péri sur un bûcher. J'ai quelques raisons de penser que cette femme a pu faire partie de mes ancêtres et j'aimerais en apprendre plus.
- Je vois, dit le prêtre en hochant la tête. Vous savez que de nombreuses archives ont été détruites, ou bien transférées à Londres ou carrément au Vatican. Je ne voudrais pas vous donner de faux espoirs, il se peut que les documents qui restent en notre possession ne vous apprennent rien du tout.
- Je m'en doute mon Père mais j'aimerais malgré tout jeter un coup d'oeil si cela ne vous ennuie pas.
- Bien sûr. Suivez-moi, nos archives se trouvent dans une pièce spéciale aménagée dans la crypte.
Oh punaise, en plus il fallait faire archéologie ! Je n'avais pas l'âme ni les connaissances d'Indiana Jones moi !Je suivis donc le père Clemens dans un dédale de couloirs éclairés par de petites loupiotes. Autant dire qu'on ne voyait pas grand chose. A un moment il s'arrêta devant une porte en bois très ancienne et sortit de sa poche une clé immense. Deux tours et la porte s'ouvrit en couinant. Une chance pour moi, l'électricité fonctionnait correctement dans cette pièce. Le père Clemens farfouilla dans plusieurs rayonnages jusqu'à revenir avec une épaisse chemise cartonnée qui contenait les seuls documents datés du 17e siècle encore présents à Cambridge.
Comment des documents aussi anciens pouvaient-ils trainer au fin fond d'une église sans plus d'égards quant à leur conservation ?!
Le prêtre me laissa seule et me dit de venir le retrouver à la surface quand j'en aurais fini avec mes recherches. Je tournais les pages avec précaution, j'avais entre les mains des pièces uniques, ce n'était pas le moment de les déchirer par un geste maladroit d'autant que l'humidité de la crypte était passée par là avant moi. Heureusement, un classement par date avait déjà été effectué. J'arrivai enfin à l'année 1680 et tombai miraculeusement sur des détails qui pouvaient m'intéresser. Il était écrit qu'un simulacre de procès avait eu lieu concernant Nora Elizabeth Chester accusée de sorcellerie et d'entente avec le Diable. Le procès avait été mené d'après les accusations d'un certain Van Helsing. C'était la meilleure celle-là ! En mars 1680, elle fut condamnée à être brûlée vive en place publique. Quelques années plus tard, son honneur fut réhabilité car sa famille avait fini par prouver son innocence à force de témoignages glanés au cours du temps. Pour réparer son erreur, l'Église la déclara morte en martyre. Bah voyons !
Cette fille avait 30 ans comme moi, un peu jeune pour mourir pour des conneries. Quelle sale époque ! Les archives ne donnaient aucune autre indication, je décidai donc d'en rester là. Je refermai le dossier et allai rejoindre le père Clemens qui travaillait à la rédaction de son sermon du dimanche.
Je le remerciai chaleureusement pour sa précieuse aide et m'en retournai au soleil afin de réchauffer mes os.
Je me trouvai sur le parvis de l'église et fermai les yeux un instant pour respirer calmement et faire le tri dans ce que je venais d'apprendre.
- Alors Miss Chester, on devient bigote ?
J'aurais dû m'y attendre. Où j'allais, Sam allait aussi !
- Oula non, je ne suis pas désespérée au point de devoir aller prier dans un lieu saint ! Enfin pas encore ...
- J'espère bien, je déteste voir de jolies femmes désespérées. Imaginez un peu, il faudrait que je vous console pendant des heures ... et plus si affinités ! dit-il en riant.
Je levai les yeux au ciel. Parfois Sam était horripilant mais aussi affolant dans tous les sens du terme. J'ai déjà dit qu'il serait sexy sans cheveux longs ?!
 - Heureusement pour vous, je n'ai fait que de la recherche historique et aussi un peu généalogique, je l'avoue.
- Tiens donc vous vous lancez dans la psychogénéalogie Miss Chester ?
Visiblement j'avais piqué la curiosité de Sam.
- Pas dans le sens où vous l'entendez mais c'est une longue histoire, soupirai-je.
- Écoutez, vous tombez très bien, j'ai tout mon temps. J'adore les histoires à rallonge.
Je m'apprêtais à repartir à la maison mais puisque Sam insistait et comme j'avais faim ...
- Très bien invitez moi à déjeuner et je vous raconte tout depuis le début. De toute manière, je devais vous parler d'un problème bien précis.
Sam eut l'air surpris que je veuille de sa compagnie et néanmoins ravi, étant donné le sourire qu'il affichait. Carnassier le sourire. Genre Sylvestre qui se lèche les babines devant Titi ...
- Parfait je vous accompagne, dit-il en m'emboîtant le pas.
Pour un peu il aurait dansé la gigue en plein milieu de la rue.

A suivre ...







1 commentaire:

  1. Ca devient plus qu'intéressant.... je pense qu'il y a un lien avec l'histoire de la sorcière....

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