samedi 22 mars 2014

Le mystère s'épaissit ...

Il était quasiment une heure du matin lorsque je terminai de lire le journal de Nora Elizabeth.
J'en avais bien sûr appris un peu plus sur Sam et Vince, mais je ne connaissais toujours pas l'essentiel. A savoir qui avait partagé le lit de mon ancêtre avant sa mort.
Saleté de page arrachée ! Ce fumier de Van Helsing voulait me faire mariner et en plus il y parvenait très bien.
En dehors de cela, j'avais tout de même l'impression qu'un détail capital m'avait échappé. Il faudrait que je relise ce carnet à tête reposée. Trop d'évènements s'étaient produits dans la même journée pour que mon cerveau puisse tout ingurgiter d'un seul coup. J'avais sérieusement besoin d'une bonne nuit de repos même si tout un tas d'idées se bousculaient dans mon crâne.
Pelotonnée sous ma couette, je tentais d'imaginer Vince en jardinier du 17e siècle, mais j'avais un peu de mal à visualiser l'accoutrement qu'il pouvait avoir sur le dos.
Et dire qu'à elle aussi, il lui avait fait le coup de la pluie d'étoiles ! J'étais quand même un peu vexée, soit il manquait cruellement d'originalité, soit il pensait que c'était un piège à filles qui fonctionnait à coup sûr. Si j'avais été méchante, j'aurais même pu aller jusqu'à dire qu'il ne savait pas faire grand chose d'autre comme tours de passe-passe, mais je ne préférais pas trop m'avancer sur ce terrain. J'étais certaine que Vince avait plus d'un tour dans son sac ... encore faudrait-il qu'il le vide avec moi afin que je puisse vérifier mes théories !
Quant à Sam ... Et bien celui-là je n'aurais jamais pensé qu'il avait fichu une raclée à Van Helsing et qu'il avait pu mettre Nora Elizabeth dans un tel état qu'elle ne savait plus où elle campait. Qu'avait-il bien pu fabriquer pendant toutes ces semaines d'absence ? En plus elle ne dit même pas ce qu'il faisait comme boulot. Peut-être l'ignorait-elle ? En même temps s'il lui avait dit :  "Salut je bosse pour le diable, tu viens aux fraises avec moi ?" Soit elle l'aurait pris pour un dingue (ce que j'ai fait personnellement !), soit elle aurait fuit très très très loin. Pour l'époque, il était relativement sage, il a bien changé depuis, mais à mon avis, il avait déjà sa tignasse d'indien même si mon aïeule ne l'a pas précisé dans son journal.
Quand je parvins enfin à m'endormir, je refis le cauchemar du bûcher, chose dont je me serais volontiers passée. Les mêmes détails défilèrent à nouveau devant mes yeux et je me suis sentie aussi impuissante que dans le premier rêve. Le regard bleu glacial et triomphant de Van Helsing me donnait des envies de meurtre par songe interposé.
Je me réveillai en sursaut vers 5h00 du matin, épuisée d'avoir lutté en vain contre les flammes. Win dormait paisiblement au bout du lit, roulé en boule pour avoir bien chaud.
J'aurais bien voulu me rendormir mais impossible de fermer l'oeil à nouveau.
Du coup à 6h30, j'ai chaussé mes baskets et je suis partie courir un long moment. Mes foulées me menèrent comme par hasard jusqu'aux grilles du cimetière mais tout était fermé et je n'avais pas le cran de faire le mur. Pour aller vérifier quoi d'ailleurs ? Que la tombe de Nora était bien vide ?! Évidemment qu'elle l'était puisqu'elle avait brûlé vive.
Je secouai le menton de gauche à droite pour chasser mes idées à la con et je pris la direction du parc de la ville. Quelques hectares de verdure, un plan d'eau, des canards, bref un cadre apaisant pour réfléchir calmement. Nous étions dimanche et peu de monde était debout en train de dépenser son énergie à 7h30, le parc était quasiment désert.
Je fis un premier tour de lac avant de m'arrêter sur un banc pour faire des étirements et me reposer quelques instants. Je n'avais pas posé mon popotin depuis 5 minutes qu'une voix me fit sursauter.
- Miss Chester ! Alors on prend le frais ?!
Je me retournai et me trouvai nez à nez avec Van Helsing. Je ne perdis pas mon self-control même si j'avais une envie irrésistible de le réduire en menus morceaux.
- Tiens donc le renard argenté, comment va ?
Il haussa un sourcil.
- On ne m'a jamais appelé comme cela avant.
- Et bien il y a un début à tout ! Je préfèreriez le terme de meurtrier ou d'affreux jojo ?!
- Je vois que vous avez un sens de l'humour tout à fait piquant.
- Et encore ce n'est qu'un échantillon, ajoutai-je en le toisant.
Van Helsing prit la liberté de s'asseoir sur le banc même si je ne l'y avais pas invité.
Il me fixa quelques instants, en échange je lui lançai mon plus beau regard noir.
- A priori vous avez lu le carnet de Nora Elizabeth pour m'accueillir aussi aimablement.
- En effet, dis je en serrant les mâchoires.
- Qu'en avez-vous pensé ?
Mmm il voulait me faire dire quelque chose mais j'ignorais quoi, il valait mieux tâter le terrain d'abord ...
- Ce fut très instructif, je vous remercie de me l'avoir fait parvenir.
- Mais encore ?
- Dites donc, la psy c'est moi, pas vous ! Pourquoi vouloir connaître le fond de ma pensée ?! Vous pouvez deviner sans peine que j'ai envie de vous étriper !
Van Helsing laissa échapper un gloussement.
- Qu'y a-t-il de drôle ? m'énervai-je.
- Je vois que vous avez simplement fait une lecture superficielle. Vous devriez relire ce carnet, l'essentiel vous a échappé.
- Ah bon ?! Et qu'est-ce que j'ai loupé Einstein ?! dis-je avec mon air mauvais.
- Vous me tenez pour principal responsable de la mort de Nora Elizabeth, ce qui de fait est vrai. Mais avez vous réfléchi une minute que quelqu'un avait pu la dénoncer délibérément afin que je la fasse disparaître ? Vous est-il venu à l'idée que j'avais pu agir sur ordre également ?
- Qu'est-ce que vous me chantez là ?! Qui aurait bien pu vouloir la faire brûler sur un bûcher ?
Mon cerveau tournait à plein régime mais là je séchais complètement.
Van Helsing venait de capter toute mon attention.
- Vous n'avez même pas une petite idée sur la question ? dit-il en penchant la tête de côté.
- La vieille Mary ? Le duc ? Je ne sais pas moi !
- Miss Chester, vous êtes à des kilomètres de la bonne réponse.
Alors là j'étais larguée, à croire que je n'avais pas la lumière à tous les étages.
- Bon j'avoue, je sèche !
Gabriel Van Helsing afficha un petit sourire satisfait.
- Vous savez Nora, la jalousie masculine peut pousser à commettre des choses horribles ...
- Vous étiez donc tant jaloux que ça de ne pas avoir pu violer mon ancêtre et qu'un autre couche avec elle ?!
- Bon je vois que vos neurones commencent à se mettre en marche, vous allez bientôt comprendre.
- J'ai donc vu juste ?
- A un détail près Miss Chester.
Je fronçai les sourcils, je commençais de nouveau à perdre le fil.
- Lequel ? insistai-je.
- L'homme le plus jaloux dans cette histoire, ce n'était pas moi même si je suis resté sur ma faim. Je n'ai été que l'instrument de la vengeance.
Tout à coup une ampoule s'illumina au dessus de ma tête.
- Vous n'êtes quand même pas en train d'insinuer que Sam ou Vince est venu vous trouver pour faire le sale boulot ?!
- Je n'insinue rien, je l'affirme. J'ai beaucoup de défauts Miss Chester mais je ne mens jamais. L'un de ces deux là m'a fourni les informations dont j'avais besoin mais la décision de la sentence est venue de beaucoup plus haut. Nora Elizabeth n'a été que l'innocente victime de l'affaire. Tout est beaucoup plus complexe que vous ne l'imaginez.
- Et vous ne voulez pas m'en dire plus ?! Tout m'avouer serait beaucoup plus rapide.
Van Helsing haussa les épaules et sourit.
- Certes mais votre quête serait beaucoup moins intéressante.
- Ma quête ? m'étonnai-je.
- Miss Chester, remonter aux sources nécessite de la ténacité et de l'intelligence. Vous ne manquez ni de l'un, ni de l'autre. Et puis vous n'avez pas encore mis le doigt sur l'élément clé de ce carnet, je ne vais pas vous mâcher le travail. Trouvez ce détail, identifiez le traître et vous aurez fait un grand pas en avant.
Bon dimanche Miss Chester, dit-il sournoisement.
Van Helsing se leva et repartit en sifflotant. Quel sale mec ! Il me laissait avec des questions plein la tête et en plus, je ne pouvais plus me fier ni à Vince, ni à Sam.
Avait-il distillé exprès son venin pour diviser et ainsi parvenir à ses fins ? Ou bien disait-il vrai ? Dans ce cas, la réalité était encore plus sordide que tout le reste.
La pluie s'était remise à tomber. Je décidai de rentrer à la maison au pas de course et de me replonger dans ce fichu carnet pour trouver ce que j'avais loupé.


A suivre ...

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