dimanche 2 mars 2014

Élément troublant

Il était l'heure de ma pause déjeuner et l'autre renard argenté m'avait littéralement coupé l'appétit. Il fallait que je parle à quelqu'un de cette visite, je ne pouvais absolument pas garder cela pour moi. Je sentais la crise d'angoisse approcher à pas de géant !
Je passai un coup de téléphone à l'hôpital pour savoir si le Docteur Clark était présent et si je pouvais lui parler. Malheureusement pour moi, il était en salle d'opération avec le patient qui souffrait de la rupture d'anévrisme de la veille au soir. Impossible de le déranger. C'était bien ma veine ...
Pas moyen de joindre Sam non plus, je doutais que les anges déchus se baladent avec un téléphone portable. Et puis il se pointerait bien assez tôt tout seul pour que je le tienne au courant des derniers évènements.
Je décidai de sortir faire un tour dehors. Mon prochain patient arriverait pour 14h00, j'avais le temps d'aller marcher pour me vider l'esprit.
Je n'avais pas trente six destinations possibles, soit aller au pub noyer mon chagrin dans une bière tiède (horreur !), soit beaucoup plus glauque mais dans la sobriété, faire le tour du cimetière local. Aller, va pour le cimetière ! Suis complètement barge !
Je pris une petite entrée latérale peu connue pour aller faire ma marche à pied. La grille en fer forgé couina quand je la poussai. Des oiseaux surpris par le bruit s'envolèrent d'un coup. Je me serais crue dans un film d'épouvante. Quelle idée d'aller se mettre la frousse toute seule !
Il y avait 10 ans que je n'avais pas remis les pieds ici. Depuis l'enterrement de mon père, je n'y étais pas revenue, trop difficile, trop douloureux. Ma mère râlait souvent parce-que je ne l'y accompagnais jamais. La vérité c'est que jusque-là j'en avais été incapable. Il fallait croire que l'aspect surnaturel des derniers jours me donnait du courage pour franchir des montagnes !
Je fis le tour des allées jusqu'à retrouver la tombe de mon père, il me fallut bien une demie-heure pour mettre la main dessus. Ma mémoire avait occulté l'endroit précis où elle se trouvait, je ne voulais pas me souvenir de ce détail. Pour moi, il n'était pas là dessous. Ma mère y apportait régulièrement des fleurs, avec elle tout était toujours bien entretenu de toute manière.
Je ne restai que quelques minutes, je me sentais oppressée d'être là devant ce rectangle de marbre gris. Mon courage avait ses limites. Je préférai partir déambuler dans le carré des tombes très anciennes dont les inscriptions étaient quasiment effacées. Certaines ressemblaient à de véritables mausolées, j'en aperçus une au loin qui se démarquait des autres. La pierre était très blanche comparée aux autres recouvertes de mousse et de salpêtre.
Je m'approchai d'un peu plus près. La pluie s'était enfin arrêtée. Un ange joliment ouvragé surplombait la tombe. Je m'arrêtai pour lire le nom de la personne qui était enterrée là. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je lus l'inscription gravée dans la pierre. "Ci-gît Nora Elizabeth Chester 1650-1680"
Qu'est-ce que c'était que ce trafic ???!!!! De deux choses l'une, soit c'était une mauvaise blague de Sam ou de je ne sais qui d'autre, soit c'était une de mes ancêtres. Je ne voyais que ces deux explications plausibles. La troisième complètement délirante aurait voulu que je sois morte en 1680 or j'étais bien vivante sur mes deux pieds en 2014 ! Aucun risque donc ... mais cela me perturba malgré tout ...
Une vingtaine de mètres plus loin, à l'abris des regards, deux hommes discutaient.
- Si elle commence à fouiner, elle finira par se souvenir de tout, dit l'un.
- Je l'espère bien, ça fait un long moment qu'on la cherche. Maintenant qu'on l'a retrouvée, on ne va pas la lâcher dans la nature comme ça. Elle doit se souvenir, pour sa propre sécurité ! dit l'autre.
- Oui mais n'oublie pas qu'une résurgence trop brusque des souvenirs est très mauvaise, il ne faut pas la bousculer malgré tout.
- Ne t'en fais pas, tout se passera au mieux. Gardons un oeil sur elle ...
Je levai la tête vers le ciel, espérant y trouver une explication. Pour toute réponse, des corbeaux croassèrent et le déluge s'abattit à nouveau sur mon visage.
Je repris le chemin de mon bureau encore plus secouée qu'avant de partir me promener. Il fallait vraiment que je partage tout cela avec quelqu'un ou alors j'étais bonne pour me chercher un psy compétent !
A 14h00, j'accueillis mon patient en tentant de faire bonne figure, mais je l'écoutai assez distraitement le pauvre. J'avais hâte que la journée se termine.
Après mon dernier rendez-vous de 16h00 où j'avais reçu une adolescente souffrant d'anorexie, je fus soulagée d'avoir fini. Je consultai mon téléphone portable. Un appel en absence et un sms apparaissaient sur l'écran.
Numéro masqué, voilà qui n'aidait pas pour rappeler mon correspondant.
Par contre, le sms était plus parlant.
" Je sais que vous avez cherché à me joindre, désolé de ne pas avoir pu vous répondre immédiatement. Je passerai chez vous vers 18h00 pour discuter.
Vince."

J'allais donc pouvoir vider mon sac au sorcier de service et tâcher de le cuisiner davantage à propos de ce que Sam m'avait révélé la veille...

A suivre ...

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